Adessias !
Il fallait un vent glacial pour porter sur les étendues de notre Camargue la triste nouvelle : Jean Lafont est mort !
Il avait 94 ans, mais sa vie fut si pleine de rêves réalisés qui dureront au-delà de lui qu’on l’imaginait éternel.
Quand un géant de la vie s’en va, les pas qu’il laisse sur le sable de nos mémoires sont immarcescibles et guident vers un univers d’harmonie et de beauté.
L’après-nous dit toujours plus que nous.
On feuillette l’existence de Jean Lafont comme un roman concret, féérique ; un vent de liberté naturelle tourne les pages sur lesquelles s’inscrivent le peuple des taureaux, l’ensoleillement rougeâtre des corridas, les voyages à travers l’Europe en quête des grands opéras, la belle bibliothèque dans le silence de ses chats tout en vibration qui le regardaient faire d’un œil dormant ses mots croisés, et au loin ses arbres qu’il aimait tant.
Une vie comme la sienne architecture dans le temps et l’espace le monument d’un exemple : il était le manadier ! Homme de chez nous, homme des mondes, homme du monde, homme, surtout, des terres de traditions, il honore la Camargue qui l’honore. Rares sont, en ces temps, les poètes de la vie ; il en fut un. J’ose rêver que dans le ciel clair de Camargue, le vol mystique des flamants roses trace sur son œuvre une dernière signature.
Adessias, seigneur des terres nôtres !
Gilbert Collard