La stupidité des banques centrales va ruiner l’économie mondiale – Jean Goychman
Mario Draghi, patron de la BCE (Banque Centrale Europenne) va bientôt annoncer que la planche à billets allait bientôt ronfler. Il est même question d’émettre mille milliards d’euros.
Grand Dieu ! Mais pourquoi faire ?
Après la Réserve Fédérale et la Bank of Japan, voici donc que la BCE s’y met aussi. Tout ceci n’a aucun sens. Vouloir agir sur une situation de crise économique en créant de la monnaie, quelle qu’elle soit, est comme essayer de « pousser une bille avec une ficelle ».
Cette monnaie, loin d’aller dans ce que les économistes appellent « l’économie réelle (1)» va être mise à disposition des banques, et qui plus est, avec un taux d’intérêt quasiment nul. Cette manne va servir à alimenter des « bulles (2)» sur les marchés boursiers où dans l’immobilier.
Ces bulles, lorsqu’elles éclatent, font des ravages, en particulier parmi les établissements financiers, banques en tête. Et c’est là ou les politiques interviennent pour les « renflouer » car leur faillite aurait de telles répercussions autant auprès de leurs clients qui se verraient ruinés, que dans toute l’économie par disparition des « liquidités ». Toute activité ou presque s’arrêterait alors avec toutes les conséquences sociales qu’on peut imaginer.
Un tel schéma « apocalyptique » n’étant guère envisageable, nos dirigeants ont toujours préféré transformer les dettes privées des banques en dettes publiques (3) garanties par les contribuables.
Le résultat est que nous croulons littéralement sous les dettes et qu’elles vont encore augmenter, obligeant les gouvernements successifs à faire une politique d’austérité qui se révèle chaque jour un peu plus suicidaire. Nous avons donc aujourd’hui à faire face à un double problème. Celui de la politique monétaire suivie par la BCE et le fait que la monnaie qu’elle contrôle est la même pour les dix huit pays de la zone euro.
Avoir une monnaie unique entre états concurrents est une autre absurdité, surtout lorsque la disparité des économies des pays de cette zone est d’une telle ampleur. Nous sommes endettés dans la même monnaie, mais les moyens de remboursements sont propres à chaque état.
Pour citer le regretté Bernard Maris : « les allemands remboursent en construisant des Porsche et des Mercédes, alors que les grecs remboursent en huile d’olive et en feïta… »
Ces pays de l’Europe du Sud avait une économie « pré-euro » qui leur correspondait, mais l’euro leur a permis au départ d’emprunter des montants très élevés à des taux très bas.
Passée l’euphorie du début , il fallait bien commencer à rembourser. La crise des « subprime » de 2008 a fait tanguer le système bancaire mondial et les fonds propres des banques ont fondu comme neige au soleil. Ce fut un « chacun pour soi » quasi désespéré alors que la solidarité entre états était indispensable. A l’époque, la BCE n’a rien fait ou presque, et l’euro en tant que monnaie unique est mort. Les opérations de refinancement à court et long terme (4) n’ont concerné que le secteur bancaire et n’ont pu empêcher les taux d’intérêts des emprunts de diverger d’une façon alarmante d’un pays à l’autre. On connaît la suite. Ne pouvant plus emprunter sur les marchés financiers qui ne prêtent qu’aux riches, certains états ont du aller crier famine auprès du FMI (5) dont les interventions ne sont jamais de nature « philanthropique »
Bref, les grands inquisiteurs se rendent sur place pour dicter leurs conditions que les responsables politiques n’ont d’autre choix qu’accepter avec résignation. Bien entendu, les populations sont d’abord tenues à l’écart et ne prennent conscience qu’après-coup de la situation. On débouche ainsi sur une instabilité politique qui contribue à augmenter le désarroi et la colère populaire. Ces plans d’austérité à répétition ne font que tuer dans l’œuf toute éventuelle reprise économique et se traduise par une nouvelle augmentation de la dette assortie d’une dégradation du sacro-saint rapport dette/ PIB (6)
Mais ce n’est pas tout. Chaque augmentation de masse monétaire (comprenez utilisation de la planche à billets) se traduit par la création d’une nouvelle bulle et alimente le processus.
La priorité de la BCE est donc de venir aider les banques privées et non de soutenir l’économie.
Or, le redémarrage de l’économie ne peut se faire que par les entreprises. Pour qu’un chef d’entreprise lance une production, il a, entre autres, besoin de connaître deux choses :
Les prix de revient de sa fabrication et comment financer les investissements nécessaires.
Or, les prix des matières premières sont devenus erratiques avec des variations rapides et considérables en raison de la spéculation menée par certaines banques et les emprunts sont très difficiles à obtenir car les banques ne veulent pas prendre de risques pour des taux d’intérêt très faibles. Elles privilégient donc les activités plus sûres et plus rémunératrices, comme le courtage de titres sur les marchés ou même racheter leurs propres actions, ce qui fait monter artificiellement leur cours et augmente leurs fonds propres.
Nous nous trouvons dans un cercle vicieux de création monétaire qui alimente des bulles spéculatives génératrices de crises profondes lors de leur éclatement, crises qui se traduisent par des par de nouvelles émissions monétaires.
Or, le système bancaire occidental fournit, au travers du dollar, la monnaie utilisée pour la plupart des transactions internationales. L’avenir de cette devise en tant que monnaie de réserve(7) semble incertain en raison même de son instabilité due aux crises à répétition qui ont fait augmenter d’une façon déraisonnable les dettes publiques des pays occidentaux et des Etats-Unis en particulier. Les en-cours des banques représentent plus de dix fois le PIB mondial et ne cesse d’augmenter, atteignant la somme pharamineuse de 700.000 milliards de dollars. Un incident majeur sur le dollar aurait un effet paralysant sur l’ensemble du commerce mondial.
Il apparaît donc urgent de réformer ce système qui risque de conduire l’économie mondiale vers un désastre sans précédent. Les théories économiques basées sur le rôle des banques centrales indépendantes qui ont fleuries durant les années 70 doivent être revues et peut-être est-il temps de s’intéresser à nouveau aux propositions de Keynes sur le rôle économique des Etats en cas de crise (7) et sur la création d’une nouvelle monnaie de réserve dont personne ne pourrait manipuler le cours.
Jean Goychman
(1) l’économie réelle concerne la production de biens ou de services. Elle s’oppose à la spéculation, qui ne fait qu’enrichir (en principe) les spéculateurs sans créer d’autre richesse.
(2) Une bulle spéculative se traduit par une très forte montée des cours totalement artificielle, due à des achats déconnectés des prix de marchés. La hausse rapide entraînant des achats irraisonnés afin de participer au « banquet » Ceux qui s’en sortent sont les premiers à quitter le navire et ce sont souvent ceux qui ont provoqué la hausse. En 1992, l’économie japonaise a été ravagée par une bulle immobilière.
(3) Pour sauver les banques, les états les recapitalisent par des emprunts sur les marchés remboursables par les contribuables. Ces emprunts augmentent le montant de la dette publique.
Merci pour ces explications, ça sonne horriblemente vrai!
Wahoo puissant et juste
Je viens pour la première fois sur ce site Je partage totalement votre analyse.. Cette manne de plus de 1100 Milliards ne servira en rien la croissance créateur d’emplois mais à une minorité soucieuse de leur privilèges et avantages. Par contre, si les banques en profitent à des conditions avantageuses , elle doivent en assurer le risque de crédit et non les contribuables? Nous n’aurions jamais du entrer dans l’Union Européenne mais les partisans du oui ont tellement fait peur que certains ont dit oui aussi à Maastricht sans savoir qu’il n’y avait pas de sortie prévue. Il y a eu donc tromperie à tous les niveaux! Moi j’ai voté non et j’en suis fière 23 ans encore après!