« Le terrorisme international, enfant naturel de la mondialisation » – Jean Goychman

Le « terrorisme » peut se définir comme étant l’utilisation de moyens destinés à effrayer la population à des fins politiques, religieuses, voire idéologiques. Historiquement, le terme provient du « régime de la Terreur », proclamé en 1794 pour combattre les contre-révolutionnaires. Le premier terrorisme est en quelque sorte légal, car il s’agit d’un mode d’exercice du pouvoir, et non de la lutte contre un pouvoir en place tel qu’on le décrit aujourd’hui. Cette évolution date du 19ème siècle où, dès 1800, et les premiers attentats terroristes étaient des actes « tyrannicides »(1)
Selon François Bernard Huygue (2), le terrorisme moderne est apparu avec les médias modernes, qui ont la capacité de « démultiplier » quasi à l’infini les évènements. Le terrorisme d’aujourd’hui n’est donc plus « celui de papa » Les résistants français, traités naturellement de « terroristes » cherchaient à démoraliser les troupes d’occupation de l’armée nazie, les juifs de l’Irgoun (3) cherchaient à imposer la création du futur Etat d’Israël, les membres du FLN voulaient conquérir le pouvoir en Algérie, les palestiniens pensaient obtenir par la même méthode la disparition d’Israël. La liste est longue. Ce terrorisme, pour horrible qu’il soit, correspondait à des objectifs géopolitiques, même si tout humaniste ne peut que se révolter devant ces actes criminels dont les victimes sont totalement innocentes et meurent pour l’unique raison d’avoir été là.
Les premiers actes terroristes « absurdes », dans le sens où on ne pouvait les relier à un objectif géopolitique évident, sont apparus à la fin des années 80, avec les attentats commis sur les avions en vol. La destruction de l’avion de la Pan Am au dessus de Lockerbie en décembre 1988 et celle du d’UTA au dessus du Ténéré en septembre 1989 posent la même question : pourquoi ? La réponse n’a jamais été apportée.
Quatre continents ont été ou sont victimes du terrorisme « islamique » Quels peuvent être les liens entre ces différents attentats ? Qui est réellement visé et que peuvent espérer obtenir leurs auteurs ?
Un petit retour dans le temps s’impose. En 1967, un rapport qui aurait du rester secret est publié (4) dans lequel on découvre que la paix menace le monde, en raison notamment de l’équilibre nucléaire entre les puissances, qui interdit tout conflit mondial.
La question posée par le gouvernement américain était de savoir s’il existait un moyen qui permette d’obtenir un « état de guerre » sans guerre. Un peuple soumis à l’état de guerre accepte beaucoup plus volontiers de voir les impôts augmenter et les libertés individuelles réduites « pour la bonne cause » et l’histoire récente enseigne que la plupart des dirigeants politiques sont plus facilement réélus qu’en temps de paix. Je citerai l’exemple de Margaret Thatcher réélue « dans un fauteuil » après la guerre des Malouines en 1982.
En 1980, l’armée soviétique intervient en Afghanistan. L’organisation terroriste Maktab al-Khadamāt, fondée par Abdullah Azzam, collecte environ 2 millions de dollars provenant des pays arabes et occidentaux pour armer une centaine de combattants. Cette organisation est à la base d’Al qaïda qui apparaîtra en 1987(5). Entre 1993 et 2000, ce mouvement terroriste dirigé par Oussama Ben Laden (6) revendiquera différents attentats contre les Etats-Unis mais son nom éclatera au grand jour en septembre 2001.
Qu’on ne méprenne pas, je ne dis pas que ce terrorisme baptisé aujourd’hui d’ « islamique » trouve son origine dans la volonté plus ou moins occulte de certains occidentaux dans le but de déstabiliser à la fois l’occident et les pays musulmans, mais, par une sorte de coîncidence tout à fait fortuite, un nouvel ennemi est apparu au moment même ou l’ancien, l’URSS, disparaissait.
Ce qui m’interpelle, par contre, c’est la médiatisation « mondiale » qui accompagne maintenant tous ces actes odieux. Les 170 victimes du DC 10 d’UTA il y a 25 ans n’ont pas eu droit à un tel traitement. Certes, il y eu une réprobation universelle, mais ni deuil national, ni même intervention « à minima » des pouvoirs publics français. En septembre 2012 , les familles des victimes réclamaient toujours, mais en vain, l’extradition de la Lybie vers la France d’Abdallah Senoussi, considéré comme le principal responsable de cet attentat, afin qu’il réponde de ses actes. Et il y a de nombreux autres exemples…
Le grand tournant a eu lieu en 2001, lorsque G W Bush a déclaré la guerre au terrorisme. Je m’abstiendrai de tout commentaire sur l’origine des évènements, mais le rapport officiel ne semble pas remporter une adhésion unanime de l’opinion publique américaine et internationale (6) et je constate simplement que cet évènement a beaucoup servi à justifier la promulgation par l’administration Bush du « Patriot Act »(8) et les interventions successives en Afghanistan puis en Irak avec le succès qu’on connaît. Il a également permis de développer une véritable « industrie de la sécurité » dont le chiffre d’affaires aux Etats-Unis dépasse les 200 milliards de dollars par an.
Pour ma part, ancien président d’une organisation professionnelle de navigants, j’ai constaté que tout ce que nous demandions sans succès en matière de sécurité dans le transport aérien et qui était soi-disant impossible à satisfaire, a été mis en place en quelques jours. Il y a bien eu un avant et un après.
Le véritable problème qui est posé aujourd’hui est de savoir si on peut sortir d’une guerre contre le terrorisme et comment. Ennemi invisible par essence même, attaquant des cibles impossibles à localiser, intervenant sporadiquement, il oblige tous les services de sécurité du monde entier à rester sur le qui-vive à tout moment. Certes, le maintien d’un état de guerre permanent peut procurer certains avantages mais il possède également un coût qui risque de devenir prohibitif.
(1) l’attentat de la rue St Nicaise contre Bonaparte en 1800, ou celui du boulevard du temple en 1835, ainsi que celui, plus célèbre, de Sarajevo en 1914, font partie de ce type d’action terroriste.
(2) François Bernard Huyghe est docteur en sciences politiques et enseignant –entre autres- l’à l’Ecole Polytechnique de Paris. Il est spécialiste de l’étude des moyens d’information.
(3) Issue en 1935 de la scission de la Haganah, groupe d’autodéfense créé par les juifs de Palestine en 1920, l’Irgoun (organisation en hébreu) est responsable d’un nombre importants d’actions à caractère terroriste entre 1935 et 1948, date à laquelle elle fut intégrée dans l’armée de l’état d’Israël nouvellement créé.
On peut citer le massacre du village arabe de Deir Yassin en 1947 ou l’attentat de l’hotel King David contre les anglais en 1946
(4) http://openyoureyes.over-blog.ch/le-%C2%AB-rapport-de-la-montagne-de-fer-%C2%BB
(5) Al qaïda signifie en fait « liste » ou « base de données » en arabe. Cela fait référence à une liste de personnes référencées comme pouvant subir un entraînement dans les camps « spécialisés »
(6) Oussama Ben Laden, apparenté à la famille royale saoudienne, est considéré comme le leader d’al qaïda à qui sont attribués les attentas du 11 septembre 2001. Toutefois, ces attentats n’ont jamais été officiellement revendiqués.
(7) Interview de Roland Dumas, ancien ministre des Affaires Etrangères
https://www.youtube.com/watch?v=ncEXUx-ChLQ
(8) Le Patriot Act est un ensemble de mesures adoptées par le Sénat américain avec une fulgurante rapidité au lendemain du 11 septembre. Ces mesures visent essentiellement à renforcer les moyens de lutte contre le terrorisme. Cette loi créée notamment le statut de « combattant illégal » qui permet de détenir sans limite et sans inculpation toute personne soupçonnée d’acte terroriste ou en rapport avec un tel acte. Elle autorise également les services de sécurité à effectuer des écoutes et à accéder aux contenus informatiques des particuliers et des entreprises sans autorisation préalable.
Jean Goychman
Très bon historique mais avec un petit bémol :
Le régime de la Terreur de 1893 a été institué alors qu’il n’y avait plus aucun conflit entre la France et les autres pays européen, il n’y avait aucune perspectives de guerre. Sur le plan intérieur, il y avait de la grogne, certes, mais pas plus que depuis le début du règne de Louis XV !
La « Terreur », vous le soulignez, fut bien un mode de gouvernement que reprendra Lénine en 1917. Il prendra également à la France l’organisation militaro-industrielle mise en place au début de la Grande Guerre…. pour en faire la planification soviétique.