Jean Goychman – CETA : le casse du siècle
Après un suspens de quelques jours, destiné à tenir en haleine le badaud désoeuvré, les députés wallons, après s’être opposés au traité de libre échange Canada Europe (CETA) ont finalement décidé de rentrer dans le rang et s’incliner devant le diktat de la Commission Européenne. C’est quand même curieux, toutes ces voltes faces qui vont toujours dans le même sens. Ce sont toujours les peuples qui perdent et toujours la Commission qui gagne. Et la liste est longue. Souvenez-vous, en 2005, du « NON » franc et massif que le peuple français avait opposé au fameux projet de traité constitutionnel qui devait parachever le chef d’œuvre européen. Ils nous l’ont resservi, grâce à une dénaturation de notre constitution proche de la forfaiture et à laquelle Nicolas Sarkozy s’était livré, sous forme du Traité de Lisbonne. Alexis Tsipras, qui apparaissait comme le grand libérateur du peuple grec opprimé, a piteusement capitulé, préférant le déshonneur à la guerre. Esprit de Munich, quand tu nous tiens…
Et les autres exemples ne manquent pas. Le nombre de référendums déclarés irrecevables car ils n’allaient pas dans le sens déterminé par la Commission est impressionnant. Souvenez-vous : l’Irlande, la Hollande et tous les autres…
C’est toujours le même processus. Plutôt que de poser le problème au grand jour, et de respecter le choix du peuple, unique souverain de nos démocraties, on préfère creuser le souterrain qui mène à la salle des coffres. Cette méthode du contournement systématique ne date pas d’hier. A croire que les véritables ennemis de la commission (et de ceux qui influencent ses décisions) sont les peuples qui ont cru à la fable de la grande Europe unie et indépendante qui allait s’imposer au reste du monde. Car ils ouvrent maintenant leurs yeux longtemps aveuglés par une pluie d’étoiles.
En 1965, le Département d’Etat (ministère des affaires étrangères américain) a fait parvenir une courte note datée du 11 juin adressée à Robert Marjolin, alors vice-président de la Commission, dans laquelle il lui conseille de : « poursuivre d’une manière « souterraine » le projet de monnaie unique européenne » et lui recommande « d’éviter tout débat jusqu’au moment où « l’adoption d‘un tel projet deviendra virtuellement irréversible »
Quel rapport avec le CETA ? A priori aucun, les Canadiens sont plutôt des amis des peuples européens et la perspective de conclure avec eux des accords commerciaux qui favorisent les échanges n’a rien de dramatique…
Sauf que le Canada a déjà conclu de son côté un accord de libre échange avec les Etats-Unis et que, par un simple phénomène de transitivité –les traités des de nos amis sont nos amis, ce traité CETA pourrait tout simplement rendre caduc le traité TAFTA quasi moribond aujourd’hui. Qu’est-ce qui pourrait interdire aux produits américains, dont la plupart des pays de l’UE ont refusé l’importation, de venir sur le marché européen après avoir transité par le Canada dans les mêmes conditions que s’ils provenaient directement des Etats-Unis ?
La méthode du contournement ne peut cependant réussir qu’avec la complicité des dirigeants nationaux. Que cette complicité soit active ou passive ne change rien. J’avoue avoir été surpris par l’annonce du secrétaire d’Etat Mathias Fekl , durant le mois d’aout 2016 :
« A la fin du mois de septembre, lorsque les ministres du commerce extérieur se réuniront à Bratislava pour avoir un échange sur ce sujet comme sur d’autres, je demanderai, au nom de la France, l’arrêt des négociations sur le Tafta »
Pour une fois, c’était clair. On allait (enfin) demander de faire cesser ce bazar qui se déroulait dans une opacité totale (le souterrain n’était pas accessible aux peuples). Idiot que j’étais, je n’avais pas compris que cette prise de position forte n’était en fait qu’une diversion pour que nous cessions de nous intéresser à ces traités commerciaux signés entre « amis mondialistes » Puisque le TAFTA ne convenait pas aux peuples en particulier allemand et français, pas grave, passons au plan « B » et collons leur le CETA. Après tout, cela sera la même chose…
Bien sûr, il y a l’obstacle théorique du vote des parlements nationaux. Rassurez-vous, ils ont fait les comptes des voix pour et contre depuis longtemps, notamment à l’Assemblée Nationale et au Bundestag, et ils savent déjà que le lobbying effectué depuis si longtemps continuera à porter ses fruits. Encore une fois, ils nous feront le coup du traité de Lisbonne. Vous ne voulez pas du plan « A » ? Aucune importance, vous aurez le « B » Après tout, pourquoi changer une équipe qui gagne ?
On peut aussi se demander pourquoi ces traités semblent si importants ? En fait, les peuples n’ont pas grand-chose à y gagner. Mais pour les grandes multinationales, c’est pas tout à fait pareil. Ces traités sont des passages obligés pour imposer un libre-échange mondial qui sera l’aboutissement de la démarche commencée il y a plusieurs décennies. Cela consacrera définitivement (du moins certains le croient) la victoire de oligarchie financière internationale, à la tête de laquelle on trouve les banques « too big to fail » sur les gouvernements des Etats qui, ayant perdu tout pouvoir et toute souveraineté, n’auront plus qu’à servir de relais régionaux. Toute politique nationale étant rendu impossible, pourquoi continuer à élire des gens qui n’auront plus d’autorité sur quoi que ce soit ?
Car la vérité commence à apparaître ; toute cette soi-disant construction européenne, destinée à apporter la paix, la prospérité et le bonheur avait en réalité pour seul objectif d’établir une zone de libre-échange qui, abolissant les frontières et par la même les Etats, allait fondre dans le même ensemble ouvert à tous les vents les peuples et les nations qui avaient mis des siècles à se constituer. Du reste, certains s’en souviennent peut-être encore, l’Angleterre elle-même, ne pouvant, en raison de son attachement au Commonwealth et de l’opposition ferme de de Gaulle, entrer dans le Marché Commun, avait tenté de le concurrencer en créant avec les pays de l’Europe du Nord sa propre zone de libre-échange, avec l’idée de la fusionner ensuite avec le reste de l’Europe occidentale
Il était dès le départ prévu d’instituer des zones de libre-échange qui finirait par englober des continents entiers avant de les relier entre eux par des traités du type euro-atlantique, pendant du déjà existant traité de libre-échange Transpacifique.
Heureusement, les peuples ne sont plus dupes et commencent à se réveiller non seulement en Europe mais un peu partout sur la planète. Le règne du dogme du libre échange, dont le seul résultat tangible à été d’enrichir les plus riches et d’appauvrir les autres semble devoir s’achever, malgré les efforts désespérés des médias tout entiers dévoués à cette cause et qui sont pour la plupart possédés par ceux qui bénéficient de cette manne. Toutes les organisations mondialistes comme le GATT ou l’OMC n’ont été créées que pour cela.
De Gaulle, visionnaire et réaliste l’avait pressenti dès 1962, avec son vocabulaire imagé qui le ferait traiter aujourd’hui de populiste, en disant : « On agglomère pas les nations comme les marrons dans la purée… »
Jean Goychman
Heureusement, Marine Lepen sera Présidente de la République française en 2017 et pourra revoir ça de près…
C’est ahurissant de penser que les multinationales puissent venir dicter leur propre loi (celle de « la jungle ») aux états nations !! Comment cela se fait-il que « SUPER FLAMBY » sensé être « social » ait laissé faire ???
Si j’ai bien compris : « nos acquis sociaux » pourront être encore revus à la baisse, le retour aux années 1900 : travailler 12 heures par jour ? Un salaire du même montant que le plus bas salaire des chinois ou indiens ? Selon la bonne volonté des puissances financières qui pourraient porter plainte contre les états si elles pensent que ces acquis sociaux (le repos du dimanche, nos 11 jours fériés en plus que dans le reste de l’Europe etc…) représentent une entrave à leurs conquêtes financières !!! Et je ne parle pas des contraintes environnementales et de santé !!!