Jean Goychman : Vers une nouvelle approche de la monnaie
Vers une nouvelle approche de la monnaie
« Il est une chance que les gens de la nation ne comprennent pas notre système bancaire et monétaire, parce que si tel était le cas, je crois qu’il y aurait une révolution avant demain matin » Henry Ford
La monnaie fait partie de notre vie au quotidien. Tout le monde l’utilise et beaucoup d’entre nous savent combien il est difficile d’en manquer. Il faut cependant constater que la « fabrication » de la monnaie apparaît comme un secret jalousement gardé. Je ne veux naturellement pas parler du processus d’impression des billets dits « de banque » ni de la réalisation des pièces de monnaie, qui sont purement techniques. Je parle de la quantité de monnaie en circulation dans un pays ou dans une zone monétaire.
Beaucoup de gens sont restés sur l’idée (et il faut bien avouer que rien n’a été fait pour les détromper) que la monnaie était une sorte d’agent économiquement neutre 1 qui représentait une certaine quantité d’un élément suffisamment rare pour que son extraction trop facile ôte toute valeur à ladite monnaie. De nombreuses monnaies ont parsemé l’histoire de l’humanité depuis certains coquillages jusqu’aux pastilles de sel en cours dans les civilisations primitives, en passant par les demi-bâtons, en cours en Angleterre durant le moyen-âge.
Cependant, la monnaie basée sur les métaux (or et argent) à fini par s’imposer un peu partout. Ces deux métaux étaient appréciés car leurs propriétés intrinsèques (malléabilité et résistance à la corrosion) les désignaient naturellement pour perdurer. En outre, ces qualités leur conféraient également une forte valeur sous un volume restreint. On retrouve ainsi cette sorte de complémentarité entre les pièces d’argent (de moindre valeur) et les pièces d’or. La règle d’utilisation était très simple : le prix des choses représentait leur valeur en or pour les objets importants ou en argent pour les autres.
Il subsiste de cette époque les pièces jaunes ou blanches, même si l’or et l’argent ne rentre plus guère dans leur alliage.
Sous l’impulsion des orfèvres et comme les rues ni les maisons n’étaient guère sûres, l’or des transactions restait au chaud dans leurs coffres et ils se contentaient d’émettre un certificat assurant le vendeur éventuel de ce qu’une quantité d’or couvrant l’achat était bien présente chez eux. L’orfèvre émetteur de ce certificat et se tenait à la disposition du vendeur qui pouvait le récupérer à son bon vouloir. Chacun y trouvait son compte et bientôt, ce sont les certificats qui s’échangèrent directement lors des transactions. L’idée du « billet de banque » naquit ainsi.
Mais les orfèvres n’en restèrent pas là. Constatant que l’or ne quittait plus leurs coffres, il leur vint l’idée démettre plus de certificats qu’ils ne détenaient réellement d’or. Cela leur permettait d’augmenter leurs gains et le risque que tous leurs clients viennent rechercher leur or en même temps était pratiquement nul. Et même dans ce cas, ils pouvaient encore s’entendre entre eux pour y faire face. Conscients néanmoins du risque, ils se contentèrent d’une émission limitée à environ 10% de plus que leurs réserves en or. Ce système, appelé « des réserves fractionnaires » perdure et s’est même considérablement amplifié puisque les banques émettent sous forme de crédits environ 10 fois plus d’argent qu’elles n’en détiennent réellement.
Petit à petit, les orfèvres se transformèrent en banquiers, souvent en exerçant simultanément les deux métiers. Les orfèvres étant devenus de fait des « prêteurs d’or », ils virent apparaitre très rapidement le bénéfice qu’ils pouvaient tirer du crédit. Au lieu de prêter de l’or, ils allaient prêter du « pouvoir d’achat », contre un intérêt annuel. Ils se rendirent compte non moins rapidement que cela permettait de développer considérablement l’économie car les billets émis tournaient rapidement d’une main à l’autre. Néanmoins, quelques faillites retentissantes vinrent tempérer ce bel enthousiasme. Ce fut le célèbre cas de John Law, en 1720 2.
Il faut noter que les billets en circulation étaient toujours adossés à l’or et que les Français de l’époque, du moins ceux qui le pouvaient, avaient une fâcheuse tendance à « thésauriser » leur or dans leur « bas de laine », ce qui limitait fortement la création de nouveaux billets de banque3. Cela ne faisait pas l’affaire des banquiers qui rêvaient d’une création illimitée de ces billets qui ne coûtaient, somme toute, que le prix du papier et de l’encre.
On perçoit alors aisément ce qui allait suivre. S’ils arrivaient à faire admettre par le grand public que la confiance qu’on pouvait avoir dans les billets qu’ils émettaient reposait plus sur la réputation de la banque émettrice que du stock d’or qu’elle détenait réellement dans ses caves, un avenir radieux les attendait. Cependant, les choses traînèrent encore dans le temps et puisque la quantité des billets était limitée, ils établirent des « comptes de crédit » sur lesquels ils se contentaient de faire figurer la somme empruntée par le client. L’argent « scriptural » est né de cette façon. Ainsi, plus question de billets ni d’or, l’ouverture du compte de crédit fournissait le potentiel d’achat, et les sommes dépensées étaient soustraites du compte au fur et à mesure des dépenses. L’acquéreur se contentait de remplir un « chèque » qui pouvait être payé par la banque qui détenait le compte. Dans la plupart des cas, ce chèque est déposé sur le compte du vendeur dans sa propre banque, ce qui fait que ce sont les banques qui se compensent mutuellement.
Lorsque le prêt est remboursé, la banque détruit le compte et ne conserve que les intérêts correspondants, qui sont prélevés sur la monnaie en circulation. Ce tour de passe-passe est généralement ignoré par le grand public qui continue à croire que la banque emprunte de son coté l’argent qu’elle prête, ce qui n’est vrai qu’à hauteur de quelques %. On constate du reste que l’ « argent liquide » est de moins en moins présent dans les transactions, lesquelles se font de plus en plus au moyen de chèques et depuis les années 80 par cartes de crédit.
Il y a donc un privilège de plus en plus exorbitant pour les banques qui consiste à créer « ex-nihilo » l’argent des prêts sur lesquels elles perçoivent des intérêts qui, eux, n’ont rien de virtuels.
Or, ce système de création monétaire est instable, car ancré uniquement sur la confiance supposée et non sur la réalité. Un des facteurs de stabilité était justement l’indexation de la monnaie sur l’or, qui réduisait considérablement les possibilités de spéculation sur le cours de cette monnaie.
Ce rempart est tombé en 1971 pour le dollar et de nombreuses crises liées pour la plupart à des « bulles financières » ont éclaté. A partir de cette date, les monnaies sont devenues « flottantes » entre elles et s’appréciaient où se dépréciaient en fonction de l’offre ou de la demande. Généralement, pour augmenter le cours de leur monnaie, les banques centrales augmentaient les taux d’intérêts dits « de base » A contrario, lorsque l’argent devenait « trop cher » elles diminuaient les taux de crédit. Or, dans ce système, une banque centrale ne peut émettre de la monnaie supplémentaire que si quelqu’un s’endette auprès d’elle de la même valeur. En général, ce sont les Etats qui s’endettent au travers de « bons du Trésor ».
Lorsqu’une banque centrale veut augmenter la quantité de monnaie en circulation, il faut donc qu’elle rachète des dettes.
C’est ce que fait la BCE en ce moment en rachetant aux banques commerciales les dettes de leur propre Etat qu’elles détiennent. La BCE imprime donc plus de 60 milliards d’euros par mois qui arrivent, via la Banque de France, directement dans les coffres de ces banques. En échange, la Banque de France reçoit des reconnaissances de dettes qu’elle est priée de garder par devers elle. On espère qu’ensuite les banques commerciales voudront bien faire profiter de cette manne l’économie en général et les entreprises en particulier. Or, on constate que ces banques préfèrent investir sur les marchés boursiers, car l’achat des titres qu’elles effectuent ont pour effet premier de faire monter ces titres et donc le bilan de la banque.
Conscients du danger d’un tel système, qui se fragilise lui-même par une quasi-absence de réglementation efficace, beaucoup de « monétaristes » pensent que le moment est venu de repenser l’ensemble du système monétaire mondial. Parmi les réflexions qu’ils poursuivent,
une piste intéressante conduit à faire de la monnaie une sorte de « bien public » qui appartient au peuple et à lui-seul, un peu comme l’air que nous respirons. Il est nécessaire à notre existence et personne ne peut ni ne doit se l’approprier. De cette façon, la monnaie redeviendrait un simple auxiliaire d’échange sans incidence économique, et non plus la « marchandise » qu’elle est devenue.
Dans cette hypothèse, il apparaît logique de revenir à une monnaie « pleine 4 » qui interdirait aux banques commerciales toute création monétaire en supprimant les réserves fractionnaires et en confiant à une banque centrale soumise au contrôle démocratique le droit exclusif du contrôle monétaire en imprimant les billets et fixant le taux du crédit. Ainsi, les banques commerciales devraient préalablement emprunter à la banque centrale la totalité de la monnaie qu’elles prêteront ensuite.
Des pays comme l’Islande ou la Suisse développent actuellement une réflexion sur ce sujet.
1 Une monnaie est économiquement neutre si la valeur commerciale d’un objet ne dépend pas de la monnaie dans laquelle on l’exprime. Si la monnaie d’un pays est indexée sur l’or, l’objet gardera strictement la même valeur dans toute monnaie indexée sur le cours de l’or.
2 John Law est arrivé en France en 1715 et propose ses services en tant que banquier à Philippe d’Orléans. Ruiné par les guerres successives, l’Etat français est endetté à hauteur de 10 années de recettes fiscales. Law propose de créer une banque privée, appelée « banque générale » (ancêtre de la Banque de France) sur le modèle de la Banque d’Angleterre. Cette banque peut émettre des billets contre de l’or. Cependant, personne ne contrôlait réellement le niveau d’émission des billets, qui devint rapidement très supérieur à la contre-valeur en or.
En 1718, la Banque Générale se fit appeler « Banque Royale » et fusionna en 1720 avec la « compagnie perpétuelle des Indes » et devint une société dont les actions étaient cotées en bourse. Le duc de Bourbon allié au prince de Conti spéculèrent à la hausse pour faire exploser le « système Law » ce qui se réalisa au mois de mars lorsque les gros détenteurs de billets exigèrent la contre-valeur en or-métal.
3 Les billets de banques sont les descendants des certificats des orfèvres et leur convertibilité en or est inscrite sur le billet. Pour obtenir de l’or-métal, il suffisait de le présenter au guichet de la banque émettrice.
4 Une monnaie pleine (ou monnaie 100%) est une monnaie qui est émise en totalité par la banque centrale C’est donc une monnaie fiduciaire qui représente la totalité de la monnaie en circulation. Les banques commerciales n’ont plus la capacité à créer de la monnaie « scripturale » au travers des comptes de crédit.
Jean Goychman
De tout coeur avec vous faites le vrai changement et foutez ces esros de l’UMPS dehors cela fait 40 ns qu’il nous volent
Bonjour !!
Des cours d ‘économie d ‘urgence sur facebook sur les pages du Front National que les gens , citoyens lambda que nous sommes puissions réagir à hauteur de nos politiques , seul moyen de changer les choses dans ce pays !!
Merci !!