L’esprit de Valmy, tribune de Jean Goychman

222 ans après la bataille de Valmy (20 septembre 1992), on se rend compte qu’il n’y a pas grand chose de changé en Europe. Notre pays, affaibli par une dualité de pouvoir entre une royauté finissante et une république naissante que la Convention a du mal à mettre en place se trouve confronté à une puissante coalition formée de troupes venant de Hesse, de Prusse et d’Autriche, renforcée par l’apport de 20.000 émigrés français restés fidèles au roi Louis XVI.
Le 20 avril, l’Assemblée Nationale avait voté la déclaration de guerre à François 1er , alors à la tête du Saint Empire, c’est une armée forte de 150.000 hommes commandés par le duc de Brunswick qui se masse sur les frontières de la France de la mer du Nord jusqu’à la suisse. Le 10 aout, le roi est déclaré « suspendu » et le 12 aout la France est envahie. Personne n’aurait misé un kopeck sur les chances de victoire de la France. De fait, les troupes françaises subissent revers sur revers jusqu’à la capitulation de Verdun, qui ouvre la route de Paris à l’armée de la coalition le 02 septembre.
Conscients du danger, Dumouriez et Kellermann font manœuvrer rapidement leurs troupes pour que, le 20 septembre à l’aube, celles-ci se retrouvent face à l’armée prussienne. S’engage alors un duel d’artillerie dont le feu nourri dure plus de 4 heures mais fait peu de victimes. Et puis, c’est le miracle : Kellermann harangue ses troupes qui lui répondent au cri d’un vibrant: « Vive la Nation !» Alors Kellermann met son chapeau à la pointe de son sabre et répète à son tour « Vive la Nation ! » repris en chœur par tous les combattants français.
Surpris par une telle clameur, les colonnes ennemies s’arrêtent et Kellermann s’écrie : » La victoire est à nous » Les canons français redoublent leurs tirs sur les prussiens et Brunswick ordonne la retraite.
Par leur détermination et leur ferveur, les 24.000 français ont fait reculé 100.000 austro-prussiens. On peut dire que Valmy est réellement l’acte fondateur de la Nation. Quel est, me direz-vous- le rapport avec l’actualité ?
Il y a une constante dans notre pays. A chaque fois que ses élites (ou prétendues telles) l’ont condamné, et, se jugeant incapables de le sauver face au péril qui le menaçait, elles ont toujours recherché une solution dans la honte et l’abandon de la souveraineté.
Et à chaque fois, dans les moments qui apparaissaient comme désespérés, on a vu surgir un Dugesclin, une Jeanne d’Arc, un Bonaparte, un Clémenceau ou un de Gaulle.
Et à chaque fois également, lorsqu’il retrouvait la confiance dans son chef, notre peuple a su agir pour redresser la situation et retrouver son indépendance et sa souveraineté.
Aujourd’hui, nos gouvernants ont déjà abdiqué et remettent à des puissances étrangères le soin de diriger la France. C’est ainsi que la politique monétaire se fait à Francfort, la politique économique se fait à Bruxelles et que nos armées sont passées sous commandement américain. Certes, aucun de ces pays n’est véritablement un ennemi, mais on sait ce qu’il en est des rapports entre les Etats. Ce ne sont que des rapports de force entre des pays qui défendent d’abord et avant tout leurs propres intérêts. Notre « élite » recrutée par les clubs très fermés du Siècle, du Bilderberg ou de la Commission Trilatérale, où ses membres peuvent se retrouver entre eux à l’abri des oreilles indiscrètes pour discuter à perte de vue des bienfaits de la mondialisation, tout en restant attentifs aux carrières de chacun devrait entendre les clameurs qui montent du fond du pays.
Pourtant, le discours ne change pas. Il n’y a pas d’autres solutions que celles que nous mettons en œuvre, nous assène-t-on à longueur de journées et d’émissions médiatisées avec des intervenants, toujours les mêmes, choisis pour leur allégeance au système. Toute autre politique serait suicidaire et ruinerait immédiatement le pays, nous disent-ils avec constance depuis des décennies. Passons sur antiennes habituelles et répétées à l’envie concernant « le bout du tunnel » ou autres niaiseries du même acabit que nous n’écoutons même plus. Non, le refrain d’aujourd’hui, c’est que « c’est difficile » ou bien que ce n’est « pas facile »…
Qu’est-ce qui est si difficile ? Continuer à mentir alors même qu’ils ne sont plus crédibles ?
Se transformer en commis-voyageur pour aller chercher le soutien des élites européennes alors qu’ils ne sont plus capables de remporter l’adhésion de leur propre peuple ?
Retrouver un semblant de majorité parlementaire en misant uniquement sur le fait que les députés qui la constituent ne prendront pas le risque de retourner devant leurs propres électeurs ? Est-ce ainsi qu’on croit retrouver la confiance perdue du peuple ? Tout ceci sent la « petite cuisine sur le petit réchaud »
Non, notre pays a besoin pour se motiver de grandes causes à défendre, de grands défis à relever, de sommets à gravir. Et on ne nous propose que des économies de bouts de chandelles, que des histoires de ratios et de pourcentages. On nous impose de nous soumettre aux « fourches caudines » d’autorités extérieures à notre pays et pour lesquelles nous n’avons pas exprimé notre consentement.
Que ce serait-il passé si nos vaillants soldats de Valmy pour la plupart issus de ce peuple français si décrié qui, eux, allaient avoir l’honneur de défendre la Patrie et d’assurer la survie de la République, si leurs généraux s’étaient adressés à eux en leur demandant de ne pas se battre, que les ennemis étaient trop forts et que la mondialisation, incontournable évolution de la Pensée moderne qui allait les couvrir de ses bienfaits, méritait bien qu’on l’échangeât contre la perte de la souveraineté de notre pays ?
Que ce serait-il passé si nos poilus, las des conditions épouvantables dans lesquelles ils combattaient, s’étaient mis à ne plus croire en leur pays et avaient cessé le combat au nom de la nécessité de construire une future Europe ?
On ne peut demander à un peuple de se sacrifier pour un idéal de justice et de liberté et attendre de la génération suivante qu’elle renie les engagements de ses pères, au nom d’une société devenue mercantile avant tout.
Alors, pas plus qu’aux heures difficiles la flamme de la Résistance ne s’est éteinte, l’Esprit de Valmy doit continuer à nous animer, maintenant comme pour les générations futures. Trop d’hommes sont tombés au nom de la Liberté et de l’Indépendance des peuples et des Etats pour que nous rendions ces sacrifices inutiles, au simple nom de la construction bancale d’une Europe organisée autour de la concurrence que se livrent les Etats entre-eux et dont le seul trait d’union se réduit à une monnaie unique à l’avenir plus qu’incertain.
Jean Goychman