Le piège grec se referme sur l’Europe
Et voilà, le mécanisme diabolique de l’euro entraîne l’Union Monétaire dans un piège qu’elle s’est tendue à elle-même. Si ce n’était la gravité de la situation du peuple Grec, on serait même tenté d’en rire, tellement ceci à un caractère d’ « arroseur arrosé »
Conçu au départ pour qu’il n’y ait aucune sortie possible (1), il n’était apparemment pas prévu, ni même envisageable, qu’un Etat membre de la zone euro se retrouve dans la situation de la Grèce. Avec une certaine naïveté (du moins disons le de cette façon) les inconditionnels de la monnaie unique ont cru que les fameux critères d’entrée, appelés « critères de convergence » qui étaient une sorte de pré-requis incontournable auquel chaque postulant à l’entrée dans l’euro devait se conformer, devaient à eux-seuls garantir pour l’éternité la solidité et la prospérité de son économie.
Il eut pourtant été logique de dire qu’à partir du moment où les conditions nécessaires à l’entrée du pays postulant dans la zone euro n’étaient plus satisfaites, ledit pays devrait la quitter. Ce filtrage indispensable aurait pour le moins eu le mérite d’instituer une sorte de « période d’essai » au cours de laquelle on aurait pu vérifier que la situation du nouvel arrivant était bien celle qu’il avait présentée. Les comptes « maquillés » ont toujours existé, et c’est d’ailleurs une des tâches essentielles du métier de banquier que de s’assurer que ses emprunteurs sont solvables.
Les historiens étudieront cette période et il est probable qu’un autre éclairage sera donné. L’euro à certes l’apparence d’une monnaie unique et c’est comme cela qu’il a été justifié auprès des peuples lors de la campagne précédent l’adoption du traité de Maastricht en 1992.
Mais il y avait, au cœur de ce projet, une autre institution sur laquelle les promoteurs de l’euro sont restés beaucoup plus discrets : la Banque Centrale Européenne.
Comme toutes les banques centrales, la BCE contrôle la quantité d’argent (2) mise en circulation dans sa zone de compétence qui est la zone euro. Beaucoup de gens ignorent, (peut-être est-ce voulu ainsi ?) qu’une banque centrale ne peut créer de la monnaie (imprimer du papier déclaré billet) que s’il existe une reconnaissance de dette envers elle. Tout billet en euro est donc une reconnaissance de dette d’un Etat envers la BCE. Cette monnaie imprimée est prêtée, contre un intérêt, aux banques des pays qui s’endettent. L’intérêt de la BCE est alors de prêter un maximum d’argent aux pays de la zone euro.
Au début, tout va bien, l’argent arrive facilement car la confiance est là. Le problème est qu’après il faut rembourser. Dans le système (idéal) tel qu’il était prévu au départ, la croissance du PIB de chaque pays faisait qu’il allait chaque année emprunter à la BCE une somme équivalente à ce taux de croissance tout en maintenant sensiblement constant le montant de sa dette publique (3)
Hélas, la crise de 2008 n’ayant pas été prévue par les augures, les possibles défauts de leurs banques nationales (4) ont conduit les Etats à emprunter beaucoup plus. Le système, qui se voulait vertueux, s’est déséquilibré et des pays déjà fragiles comme la Grèce, qui avaient déjà emprunté des sommes considérables, et avaient été encouragés à le faire, se sont trouvés dans l’impossibilité de faire face à leurs engagements.
Une « troïka » (terme russe pour désigner un attelage avec trois chevaux) s’est donc constituée entre la BCE, le FMI et la Commission Européenne pour venir examiner les comptes de ces pays et préconiser des mesures d’économie contre une aide financière immédiate. Outre le fait que, dans de nombreux endroits où il est intervenu, le FMI a plutôt aggraver les choses, cette association à trois a surtout révélé une des faiblesses de l’euro. Cette faiblesse était que personne (ou presque) ne voulait payer pour les autres. Des programmes d’austérité forcés ont ainsi été imposés à des pays qui ne pouvaient les supporter. La Grèce a continué à s’endetter jusqu’au moment ou il a fallu que ses créanciers abandonnent une partie de leur créance. Mais ce n’était qu’un remède à effet immédiat destiné à faire baisser la fièvre.
Les conséquences du plan d’austérité s’étant révélées dramatiques, il s’en est suivi la venue au pouvoir d’un parti politique nommé Syriza qui a décidé que cette période d’austérité devait se terminer.
Devant ce fait accompli, les dirigeants européens ont rappelé aux nouveaux dirigeants Grecs les engagements de leurs prédécesseurs. Le piège s’est donc refermé car la Grèce ne peut être exclue autoritairement de la zone euro, et ne souhaite pas (du moins en apparence) la quitter.
Elle ne peut pas non plus s’acquitter de ses obligations car elle n’en a pas les moyens et personne ne veut payer pour elle. De plus, si les termes d’un moratoire sur sa dette venaient à être trouvés, on imagine mal comment des pays qui sont dans une situation semblables, mais qui, eux, font des efforts énormes de remboursement, ne se verraient pas bénéficier des mêmes faveurs. Or, la capacité de la BCE ne le permet pas, en l’état actuel de ses fonds propres.
Ajoutons à cela une pression grandissante des Etats-Unis qui ne veulent à aucun prix d’une disparition prématurée de l’euro, qui est pour eux un moyen de contrôle de l’Europe, et nous avons une situation entièrement bloquée. Si chacun reste sur ses positions, la Grèce ne peut pas être exclue de l’euro par manque de moyen juridique et ne peut pas non plus y rester par impossibilité financière de faire face à ses engagements. Il est donc probable qu’on s’achemine vers une sorte de compromis dans lequel on donnera l’apparence d’avoir « sauvé l’essentiel » sans avoir réglé quoi que ce soit.
Le réalisme élémentaire serait de constater la non-viabilité de l’euro, en raison de l’impossibilité de créer un véritable Etat fédéral dont personne ne veut supporter le coût financier et politique. Il faudrait donc rechercher dès maintenant les moyens à mettre en œuvre pour effectuer une sortie concertée dans les conditions les plus favorables possibles pour chacun des Etats membres de la zone.
Comme dit le proverbe : « Mieux vaut une fin douloureuse qu’une douleur sans fin… »
Jean Goychman
(1) Aucun article du Traité de Maastricht ne prévoit la sortie de la zone euro d’un pays s’y trouvant. Omission ou volonté délibérée, les avis sont partagés. Je pencherai plutôt pour la seconde hypothèse, car la volonté des rédacteurs du traité de se servir de l’euro comme d’un « catalyseur fédéraliste » était manifeste et ils voulaient probablement « encliqueter les choses » dans leur irréversibilité
(2) La BCE régule la quantité de monnaie fiduciaire (billets et pièces) en circulation. La monnaie scripturale (crédits faits par les banques privées) est créée de toutes pièces par des lignes d’écriture sur des comptes et représente environ 95% de la masse monétaire en circulation.
(3) La dette publique (quelquefois appelée dette souveraine) représente l’argent emprunté au fil du temps par l’Etat pour combler la différence entre ses recettes (impôts ou autres) et ses dépenses. Elle s’exprime souvent en % du PIB de l’Etat. On estimait, à l’époque, qu’une croissance annuelle de 3% du PIB était normale.
(4) Les banques nationales étaient engagées au-delà du raisonnable dans les prêts « titrisés » et souvent leur en-cours (achats de ces dettes « pourries ») représentait plusieurs dizaines de fois leur capital. Une perte de valeur de quelques % les mettait en situation de faillite, d’où les mesures de renflouement en capital par les Etats, qui empruntaient à leur tour en augmentant leur dette (600 Mds d’€ pour la France entre 2008 et 2011)
Bonjour, comment arrivent ils à faire croire à des centaines de millions de personnes que l’€uro est bon , alors qu’il est flagrant que depuis qu’il est en place le pouvoir d’achat du commun baisse de façon drastique alors bien sûr que les riches le sont de plus en plus .