Jean Goychman – Grèce : encore un quart d’heure…
Eh bien, voilà, la Grèce n’a pas payé. Elle devait pourtant verser 300 millions d’euros au FMI ce vendredi 5 juin. Elle ne l’a pas fait et rien ne s’est passé. Le gouvernement grec, conduit par Alexis Tsipras, a sorti du chapeau, non pas un lapin, mais un vieil article du règlement intérieur du FMI, désigné sous le nom de « clause d’empaquetage ».
Pardonnez-moi, c’est nerveux, mais je suis parti d’un fou rire quasi inextinguible. Car dans l’affaire, qui est en train d’empaqueter qui ?
Il parait même que certains dirigeants du FMI ignoraient cette clause du règlement…
Difficile à croire, avec la bordée de juristes et d’économistes qui sont employés par ledit FMI.
A la place de Christine Lagarde, j’aurais viré sur le champ le directeur juridique.
A moins que cela ne soit qu’un subterfuge, utilisé pour sauver la face et s’empresser de repousser des échéances que personne, en fait, ne souhaite voir arriver. Car le problème grec dépasse largement les frontières du pays. Essayons de voir la situation avec un peu de recul.
Ne revenons pas sur la genèse de cette affaire ni les conditions d’entrée de la Grèce dans la zone euro. Elle s’y trouve, c’est un fait. Peu importent également les raisons de son endettement excessif. Elle ne remboursera jamais sa dette et c’est un autre fait. La logique d’une telle situation serait qu’elle fasse « défaut », c’est-à-dire que son gouvernement dise : « je ne peux pas rembourser mes créanciers » Chacun prendrait ses pertes et la vie continuerait.
Le malheur vient de cette appartenance à la zone euro qui enferme tous les autres pays utilisant la même monnaie. Supposons que la Grèce fasse défaut et garde l’euro comme monnaie. Combien vaudrait l’euro grec ? Or, par définition, une monnaie unique ne peut avoir qu’une seule valeur à un instant donné. Cette valeur est établie par les « taux de change » des différentes monnaies mondiales entre elles. On perçoit l’ampleur du désastre…
D’un autre côté, me direz-vous avec justesse, pourquoi l’ensemble des pays de la zone euro ne demandent-ils pas à la BCE de renflouer la Grèce en imprimant un peu plus de billets qu’elle ne le fait déjà ? Elle rachèterait ainsi la dette grecque à ses créanciers et tout le monde (ou presque) serait content.
Seulement voilà; cette solution, même si elle est techniquement possible, ne pourrait se limiter à la Grèce. Car beaucoup d’autres pays de la zone euro sont dans une situation analogue d’endettement. Depuis 2002, année d’introduction de la monnaie unique, les dettes publiques
de 3 des 8 pays représentés sur le graphique qui, normalement, n’auraient pas dû excéder 60% du PIB, étaient déjà très nettement supérieures pour la Grèce, l’Italie et l’Irlande. En 2015, à l’exception notable de l’Allemagne dont le rapport dette/PIB semble stabilisé, tous les autres pays ont une dette publique qui s’approche dangereusement du PIB. On constate même que 4 pays ont une dette qui dépasse 120% du PIB. Il est donc à craindre que ces mêmes pays se retrouvent à terme dans une situation identique à celle que connaît la Grèce aujourd’hui.
Or, si, à l’extrême limite et après avoir convaincu les plus réticents, la BCE procédait au renflouement de la Grèce, elle créerait le précédent qui l’obligerait à adopter la même attitude envers tous les pays susceptibles de faire défaut en raison de la charge insupportable de leur dette publique. Or, une banque centrale, quelle qu’elle soit, peut créer de l’argent en imprimant de la monnaie, mais ne crée aucune richesse. Car racheter des dettes par nature insolvables ne peut qu’appauvrir celui qui pratique ce genre d’exercice. Le prêteur en dernier ressort le de la BCE est, ne l’oublions pas, l’ensemble des contribuables de la zone.
Nous sommes dans une impasse, que n’avaient pas prévue les promoteurs de l’euro. Il est assez symptomatique de voir les défenseurs acharnés de la monnaie unique se répandre dans les médias « uniquement pensants » pour réclamer plus de fédéralisme et dire à qui veut l’entendre que c’est cette absence de fédéralisme qui est à l’origine des problèmes de la zone.
En règle générale – et le cas est prévu par les règlements maritimes – on met les canots de sauvetage à l’eau avant que le bateau coule.
Car ne nous trompons pas, la véritable crainte des financiers qui sont en charge du maintien – coûte que coûte – de la monnaie unique n’est pas le sort du peuple grec, mais bel et bien l’existence de leur terrain de jeux. Car, si la Grèce quitte la zone euro, personne ne peut dire aujourd’hui quelles seront les répercussions sur cette zone. Si l’on en juge par la fébrilité qui s’empare des marchés boursiers dès que le moindre évènement concernant la Grèce est connu, on peut comprendre leur inquiétude. Mais après tout, ce sont également ces financiers qui sont à l’origine de la situation. Le gouvernement grec sait parfaitement que cette crainte est sa meilleure alliée et qu’elle constitue la grande faiblesse de ses interlocuteurs.
C’est peut-être le bon moment pour qu’un groupe d’hommes et de femmes pragmatiques et de bonne volonté disent : « Nous avons compris et, prenant en compte tous les dangers potentiels de la situation actuelle, il est de notre devoir de sauver tout ce qui peut encore l’être et organiser une dissolution concertée de la monnaie unique » Certes, cela ne sauvera pas la Grèce, mais limitera l’éventuelle contagion.
On peut aussi, et c’est à craindre, faire comme si de rien n’était et prolonger dans l’indifférence générale une situation en espérant secrètement, comme le disait Henri Queuille « Qu’il n’existe pas de problème que l’absence de solution n’ait fini par résoudre »
Jean Goychman
L’euro est l’intérêt des banques. La monnaie créé un marché juteux de prêts aux Etats membres, garantis par une solidarité forcée. Ainsi les banques ont prêté sans compter à la Grèce en faisant financer les défauts de paiement éventuels par les contribuables européens. Il est facile et quelque peu hypocrite de reprocher aujourd’hui à la Grèce d’avoir accepté ces offres généreuses quand elles n’étaient pas sollicitées (Goldman Sachs) en oubliant qu’elles enrichirent d’abord les prêteurs. L’inquiétude des banques est que ce jeu très lucratif s’arrête brusquement, mais c’est aussi l’inquiétude des Etats, car si les banques ne se font plus d’argent facile en finançant les dettes des Etats, comment pourront-elles assurer leurs fonds propres ? La dette est aujourd’hui l’étalon monétaire de l’euro. Les banques ne tiennent plus que par le financement des dettes des Etats. C’est un jeu où chacun tient l’autre par la barbichette : les Etats tiennent les banques et les banques les Etats. Si la Grèce et d’autres Etats à sa suite font financer leurs dettes par la BCE, l’euro sera dévalué de fait et toutes les banques européennes seront alimentées en monnaie dévaluée., ce qui aura des conséquences mondiales devant lesquelles la crise des subprimes sera bien peu de choses. Si les européistes tremblent à l’idée d’abandonner l’euro, c’est que nous sommes déjà allé trop loin. Nous maintenons l’euro non pour ne pas sombrer, mais pour masquer le fait que nous sombrons. Or ici le remède, c’est la chute, douloureuse certes, mais l’on ne rebondit qu’après avoir touché le fond.
Simple, clair, facile à comprendre DONC intelligent… Merci
il y a toujours des solutions pour les personnes de bonne volonté. et on ne tond pas des œufs. Au train où on va, nous sommes tous potentiellement des œufs…..C’est bien ce qui prouve que les grecs ont trouvé la faille que les autres n’avaient pas vue! Et qui vont vouloir s’engouffrer dedans! vive Marine, et sortons de cette Europe déviée de ses objectifs initiaux, mais où règne la Finance!