Jean Goychman – L’indépendance des banques centrales risque de tuer la démocratie !
Dans une démocratie normalement constituée, le peuple est souverain.
Du moins, il est censé l’être. Peut-on envisager une souveraineté qui serait limitée à certains domaines ? De toute évidence, non. La souveraineté est ou n’est pas et, par définition, ne se partage pas. Peut-on imaginer un Président de la République qui n’exerce son rôle que certains jours, ou même durant certaines heures et qu’un autre le remplace hormis ces moments-là ? La réponse parait tout aussi évidente : non !
Pourtant, nous acceptons depuis plusieurs dizaines d’années que notre politique monétaire ne soit plus déterminée par les gens que nous élisons, mais par un organisme appelé BCE (Banque Centrale Européenne) qui est indépendant de tout pouvoir politique. Or, la politique monétaire (1) est un attribut essentiel de la souveraineté. Je dirai même que c’est le plus important de notre vie au quotidien, car la valeur de notre monnaie et le taux du crédit déterminent pour beaucoup nos conditions de vie. Les actes importants, comme l’achat d’un appartement ou d’une maison, voire d’une voiture, sont en relation directe avec les décisions prises par la BCE.
L’idée de la prise de contrôle de la monnaie d’un pays est très ancienne, et marque assez profondément l’histoire de notre civilisation occidentale depuis plus de trois siècles. Cependant, il a fallu passer par des étapes intermédiaires incontournables. Le droit de « battre monnaie » était un doit régalien par excellence. La première démocratie républicaine est née en 1783 (6 ans avant la révolution française) et prenait le nom des « Etats-Unis d’Amérique »
Les rédacteurs de la Constitution(2), communément appelés « les pères » avaient pris soin de graver dans le Marbre de l’Histoire, et dès l’article Premier que seuls les représentants élus du peuple avaient le droit de « frapper la monnaie et d’en fixer la valeur » (Art 1, section 8, §5)
Du temps des monarchies, le problème ne se posait guère. Le Roi décidait et le Roi faisait. Le peuple suivait…et subissait. Les premiers qui ont « tiré », ce sont les Anglais, en 1680, en mettant le Roi sous une sorte de tutelle parlementaire. Guillaume d’Orange s’est trouvé « coincé » et a demandé à des banquiers Hollandais et Allemands de lui « filer de la tune » sous forme d’un prêt de lingots d’or. Les banquiers lui ont imposé une condition : créer la Banque d’Angleterre, dont ils seraient les heureux (ô combien) propriétaires. Voici comment le loup est entré dans la bergerie.
C’est en toute connaissance de cause que les pères de la Constitution Américaine ont agi pour se prémunir du danger d’une banque centrale indépendante qui contrôlerait la monnaie.
Mais les banquiers américains, dont la plupart dirigeaient des filiales de banques anglaises ou allemandes, n’ont eu de cesse de contourner l’obstacle. Après plus d’un siècle de batailles larvées, ils ont finalement remporté la victoire le 23 décembre 1913, en réussissant à obtenir un vote du Congrès favorable à la création d’une « Réserve Fédérale »,(3) banque centrale habilement dissimulée sous certains habillages destinés à faire croire au peuple Américain que, conformément à la Constitution, il gardait le contrôle de sa monnaie…
Venons-en à une époque plus récente. La Banque de France, créée en 1800, est aussi, comme la FED, une banque privée. Bonaparte, principal actionnaire, lui confère le monopole d’émission des billets. Elle ne sera nationalisée qu’en 1945 par de Gaulle et perdra une grande partie de son monopole d’émission des billets en 1994, date où elle deviendra indépendante du pouvoir politique. Son statut, avant l’entrée de la France dans l’Union Economique et Monétaire, était celui d’un « établissement public à caractère administratif », placé sous la tutelle du Premier Ministre. Cette qualification tombe en 1997, lorsqu’elle passe sous la tutelle de la BCE. Petite précision, cette tutelle ne vaut que pour le territoire métropolitain et les DOM et COM, considérés comme régions ultrapériphérique de l’Europe. Partout ailleurs, la Banque de France conserve ses prérogatives de politique monétaire et reste soumise à la tutelle du gouvernement.
Je vous entends me dire : « mais où veut-il en venir ? » Quel est le rapport avec la démocratie ? Patientez encore un petit instant, j’y arrive. Indépendantes ou pas, les banques centrales qui contrôlaient la monnaie ne pouvaient pourtant pas faire n’importe quoi. Elles avaient une contrainte, qui était d’assurer la convertibilité en or de leurs billets. L’étape suivante consistait evidemment à s’affranchir de cette règle qui limitait leur pouvoir. Ceci fut fait en ordre dispersé, tout au long du XXème siècle. La FED fut la dernière et abandonna la convertibilité or du dollar en 1971, la convertibilité avec l’argent ayant cessé bien avant.
Pour la France, ce fut plus compliqué. Il y eut différentes périodes de déconnection et de reconnection sur l’or, mais le cours forcé du franc (absence de convertibilité) remonte à 1914. De Gaulle avait plaidé en 1965 pour une revenir à l’étalon-or, mais les banquiers anglo-saxons, qui avaient déjà la victoire en vue (déconnection du dollar de l’or), s’y opposèrent avec succès.
Ayant perdu – souvent à leur insu- tout pouvoir de contrôle de leur monnaie, les peuples n’avaient plus qu’à se soumettre aux diktats des banques centrales privées. De leur côté, les banques centrales, pour créer de la monnaie dite fiduciaire (4), ont besoin que les Etats fassent des dettes. La BCE doit, pour émettre des billets, avoir des reconnaissances de dettes à mettre dans son bilan. Il faut donc que Etats empruntent de l’argent, non pas directement à la BCE, ce qui serait trop facile, mais sur les marchés financiers (autrement dit à des banques privées qui vont emprunter de l’argent à la BCE et se faire payer des intérêts par les Etats emprunteurs). Ensuite, pour pouvoir émettre des euros, la BCE rachète les dettes d’Etat aux banques privées(5). Vous voyez la combine. D’autant plus que les dettes des Etats sont considérées comme les dettes les plus sûres qui soient, car elles sont garanties par les impôts des contribuables. Et c’est là où je voulais en venir. Le peuple ne contrôle plus la monnaie, mais garantit cependant par ses impôts les dettes faites par l’Etat.
De bons esprits essayent de nous faire passer la pilule en nous disant que ceci est le résultat de l’incompétence des politiques, incapables d’avoir un contrôle efficace de la monnaie, qui est devenue une affaire de spécialistes. Ils nous disent que seules des banques centrales indépendantes dirigées par des experts ont pu réussir à endiguer la crise de 2008 en faisant une politique de création monétaire à tout va, grâce à laquelle le pire a pu être évité. Par contre, ils se gardent bien de nous dire que le sauvetage des banques, qui s’étaient elles-mêmes mises en difficulté par cupidité et âpreté au gain, en réalisant des opérations plus que risquées, s’est traduit pour nos Etats par un endettement astronomique. Pour la zone euro, l’Etat le moins endetté a néanmoins une dette publique qui représente presque 90% de son PIB. Rappelons que les « critères de convergence » (conditions à respecter pour rentrer dans l’euro) imposaient un endettement maximum de 60% de ce PIB. Celui de la France est maintenant de l’ordre de 100% de son PIB.
En vérité, cela n’est qu’un argument de plus pour imposer un gouvernement d’experts qui est un des objectifs annoncé de ces clubs d’influence pro-mondialiste qui sont le Bilderberg et la Commission Trilatérale. Philippe de Villiers rapporte (6) un échange avec François Fillon, auquel il demande à ce dernier pourquoi il est devenu membre du club des Bilderberg. La réponse de François Fillon fut très claire : « Que veux-tu ?, ce sont eux qui nous gouvernent… »
Encore le fameux complot, me direz-vous ? En général, les gens qui complotent le font pour s’emparer du pouvoir. L’oligarchie financière a déjà ce pouvoir. Mais elle sait également que c’est un pouvoir fragile, établi dans l’ombre feutrée de salons de clubs très privés auxquels le commun des mortels n’a pas accès. Cette prise de pouvoir par les banques « systémiques » n’est pas définitive. Leur système ne tient que sur la faiblesse de certains hommes politiques, qui savent qu’une crise financière majeure, qui aurait des répercussions sur la vie des citoyens, les écarterait définitivement de ce pouvoir auquel ils tiennent tant. Ce concept du « too big to fail » qui interdit aux dirigeants politiques de laisser une banque dite « systémique » (7) faire faillite est, encore pour le moment, leur arme la plus efficace.
Mais si le dollar, symbole de la toute-puissance économique des Etats-Unis, vient à perdre son statut de « monnaie de réserve internationale », un autre équilibre des pouvoirs verra le jour. Déjà, apparaissent en certains endroits du Monde le réveil des peuples. L’Islande en 2008, la Grèce début 2015, vite reprise en main par la « troïka », la Suisse, bien qu’hors de l’Union Européenne, envisage de consulter le peuple par un référendum sur le système bancaire. En France, de plus en plus de gens se posent les bonnes questions. Des ouvrages sur ce sujet paraissent régulièrement, comme celui de Patrick Artus et Marie-Paule Virard « la folie des banques centrales » (8) publié chez Fayard (publicité gratuite)
La seule façon qu’à ce système financier de pérenniser son pouvoir est de prendre, après le pouvoir financier et économique qui lui appartient déjà, le pouvoir politique. Il lui faut donc faire disparaître les Etats-nation, en les remplaçant par de vastes zones dites « de libre échange » dirigées par des « technocrates » non-élus qui obéiront sans états d’âme à des directives issues de ces « gouvernements de l’ombre » Cela lui impose de tuer les démocraties, en raison du danger potentiel qu’elles représentent, afin de pouvoir mener à bien ce projet.
Jean Goychman 17/01/2016
(1) La politique monétaire permet d’ajuster la quantité de monnaie en circulation.
Dans un système de devises « flottantes » la valeur d’une monnaie sera fixée par les marchés.
Une monnaie abondante vaudra moins chère qu’une monnaie « rare »
(2) Voir http ://photos.state.gov/libraries/france/45994/irc/constitution.pdf
(3) La Réserve Fédérale (FED) est une entreprise privée dont le capital est détenu par un certain nombre de banques. Voir le livre « Le complot de la Réserve Fédérale » d’Anthony Sutton (Ed Le retour aux sources)
(4) La monnaie fiduciaire est constituée par des billets et des pièces sur lesquels la valeur « faciale » est indiquée. Elle s’oppose à la monnaie « scripturale » qui est créée par les banques sous forme de ligne de crédit.
(5) Voir https://archives.gilbertcollard.fr/blog-2/jean-goychman-preuve-par-trois-rien-de-neuf/
(7) Dans son livre « L’hydre mondiale » (Ed Lettres libres) François Morin décrit parfaitement l’oligopole bancaire qui s’est mis en place. Il définit une banque systémique comme une banque dont la faillite risque de faire exploser tout le système financier mondial.
(8) http://www.francetvinfo.fr/economie/votre-argent/4-verites-patrick-artus-met-en-garde-sur-la-prochaine-crise_1270485.html
Jean Goychman
Bonsoir article très intéressant mais comment reprendre notre souveraineté?
Car la préparation des primaires a droite commence a propulser Juppe qui était
Cet été en Autriche la ou Fillon est allé??? Donc ils vont chercher dans ce groupe
La bénédiction pour être élu. Ce qui est alarmant c est qu ils rééditerons le scenario
Des regionales pour faire comme ils disent barrage au front national. ??!! Que faire??
Ce « groupe » décide de leur ouvrir les médias. La meilleur façon de contrecarrer leurs plans est le « faire savoir » Une note plus « optimiste »:
De plus en plus de gens dans les pays de la zone euro (et même dans le reste de l’UE, deviennent « eurosceptiques » On peut acter d’ores et déjà acter la mort des l’espace Schengen, ce qui est un premier pas vers la reconquête de la souveraineté des États-nations. Mais je pense que le plus important est de faire circuler l’information.
IL EST PLUS QU’EVIDENT , QUE LE MALAISE GENERAL MONDIAL, VIENT DES BANQUES QUI VEULENT ASSERVIR LES PEIPLES A DES INTERRETS PRIVES , PLUTOT QU’A DES BANQUES NATIONALES !!!
MAIS LES FAUX ARGUMENTS AVANCES PAR LES GOUVERNANTS, FINISSENT PAR AMENER LES GENS A LA PEUR DU CHANGEMENT !