Jean Goychman – Oligarchie financière attention, danger !
Loin de vivre une époque formidable, on sent comme une sourde inquiétude poindre dans ce qu’on appelle : « les milieux financiers ». Certaines questions, jusque-là classées comme « iconoclastes » commencent à remonter à la surface de l’actualité. Généralement considérés comme « bien-pensants », les médias officiels ne se sont guère fait l’écho – hormis un tout petit nombre – de ce danger, pourtant bien réel qui nous menace tous.
Avant de rentrer dans le détail du sujet, permettez-moi un petit rappel sur le fonctionnement des « Banques Centrales »
On peut situer leur origine à la fin du XVIIème siècle en Angleterre. Guillaume d’Orange ne pouvait plus financer ses dépenses, notamment militaires, par l’impôt en raison de l’hostilité du Parlement et dut emprunter à des banques privées. Ses créanciers exigèrent en contrepartie de créer une banque qui porterait le nom de « Banque d’Angleterre » afin de faire croire au bon peuple qu’elle était la propriété de tous alors qu’en réalité elle appartenait majoritairement à ces banques privées et étrangères pour la plupart. Cette banque centrale avait une double mission :
- Créer la monnaie nécessaire à la bonne marche de l’économie
- Faire en sorte que son cours soit en permanence indexé sur celui de l’or et de l’argent.
Ensuite, ce fut le tour d’un certain nombre d’autres Etats de se doter d’une banque centrale. Ainsi, la Banque de France fut créée en 1800, non sans certaines craintes dues au mauvais souvenir de John Law (1720) et des assignats1 de la République naissante. Après une lutte sourde mais néanmoins acharnée de 1791 à 1913, les banquiers internationaux réussirent à imposer la Réserve Fédérale aux Etats-Unis2. Ce qu’il est important de toujours garder présent à l’esprit, c’est que les banques centrales émettent de la monnaie en contrepartie d’une dette.
Cette dette provient en général de l’émission par l’Etat de bons du Trésor Public, et est naturellement garantie par l’impôt acquitté par les citoyens. Dans certains cas, cela se fait sans intérêts, notamment si la banque centrale est une banque publique appartenant à la collectivité. Par contre, si la banque centrale est détenue par des banques privées, un intérêt sera naturellement perçu. Voici pour la petite histoire.
L’abandon de la parité-or des différentes monnaies3 a donné aux banques centrales une quasi-totale liberté d’émission. L’indexation sur l’or limitait en effet cette possibilité car les banques centrales devaient garantir la convertibilité de leur monnaie. Cette contrainte ayant disparue, elles ont commencé à émettre autant d’argent qu’elles le souhaitaient. C’est pour cette raison que de Gaulle en 1965 avait réclamé le retour à l’ « étalon-or »4 qui n’était plus en vigueur qu’aux Etats-Unis, mais qui était menacé par l’entrée en guerre au Viet-Nam.
Venons-en à la situation actuelle. La crise financières de 2008, dite « crise des subprimes » parce qu’il faut bien lui donner un nom, (même si ces fameux subprimes ne constituent que la partie apparente de l’iceberg) a fait vaciller tout le système financier international. Les banques s’étant, notamment en raison de l’abrogation du « Glass-Steagall Act 5» en 1999, endettées d’une manière extravagante, se sont retrouvées dans une situation de faillite. Afin d’éviter l’enchaînement fatal, la Réserve Fédérale a imprimé dans l’urgence plusieurs centaines de milliards de dollars afin de recapitaliser certaines banques ou compagnies d’assurances américaines. Le concept du « too big to fail » a ainsi été mis en évidence.
En Europe, la crise se propagea rapidement en raison de l’interconnection planétaire du système bancaire. Le mandat de la BCE ne prévoyant pas explicitement de renflouer les banques en faillite, ce fut aux Etats de la zone euro qu’incomba cette charge.
Ces Etats s’endettèrent d’une manière considérable pour effectuer ces sauvetages et la crise des banques se transforma ainsi en crises de l’endettement des Etats.
Les « critères de convergences » nécessaires pour qu’un Etat puisse prétendre à entrer dans la zone ayant été fixés par le Traité de Maastricht en 1992, en limitant à 60% du PIB l’endettement dudit Etat, la conséquence logique aurait été un retour, même temporaire, aux monnaies nationales. Les juristes n’ayant pas voulu s’en mêler et aucune porte de sortie de l’euro n’étant prévue, on s’est donc retrouvé dans une crise secondaire liée à la divergence des taux d’emprunt entre les différents Etats. Ceux réputés solvables continuaient à bénéficier de taux « raisonnables » alors que ces taux devenaient prohibitifs pour les autres. Cet épisode a mis en lumière une des tares insurpassables de la zone euro qui est le total manque de solidarité entre les pays. Là encore, l’objectivité élémentaire aurait voulu qu’on fasse le constat que l’euro ne pouvait subsister dans ces conditions si les Etats économiquement forts n’acceptaient pas de prendre en charge les plus pauvres. Au lieu de cela, tout a été fait pour accroître les différences, en imposant des programmes d’austérité dramatiques à des peuples déjà sinistrés.
Mais la situation ailleurs dans le monde n’est guère meilleure. Les pays émergents connaissent une stagnation prolongée, le Japon, figure emblématique des années 80, est enlisé dans un marasme dont il ne peut s’extraire, tiré vers le bas par une montagne de dettes que la Banque du Japon essaye de monétiser6 sans succès apparent. Les Etats-Unis, malgré un flot ininterrompu de dollars imprimés par la Réserve Fédérale, connaissent une croissance trompeuse, dont les effets sont limités à la classe des 1% les plus riches lorsque les revenus des autres stagnent voire diminuent.
Il paraît donc évident que les banques centrales, dont l’action est finalement limitée à la création monétaire, puisque les taux d’intérêt auquel elles prêtent l’argent est pratiquement nul, n’arrivent pas à contrôler la situation. La théorie du « ruissellement 7» s’étant révélée inexacte, ces montagnes de papier se sont transformées en bulles spéculatives dont personne ne sait vraiment si elles vont se dégonfler doucement, ce qui est peu probable, ou bien exploser brutalement en entraînant la finance mondiale dans une nouvelle crise dont les effets seraient encore plus dévastateurs que celle, toujours en cours, de 2008.
La BCE, après quelques hésitations et tergiversations, a elle aussi sorti le grand jeu. Ne pouvant (manque de solidarité oblige) financer directement les Etats, Mario Draghi a donc décidé essentiellement de sauver les banques privées européennes en cas de malheur en rachetant les dettes que les Etats avaient contractées par les emprunts successifs. Il y a cependant un hic, qui vient du fait que ces dettes ne remontent pas directement des banques qui les détenaient jusqu’à la BCE, car elles sont stockées à hauteur de 80% dans les banques centrales nationales. Là encore, la raison est qu’en aucun cas les pays « riches » acceptent de payer pour les pauvres. Tout ceci est organisé par cette « oligarchie financière » qui contrôle à la fois les banques centrales et les banques privées.
Et les pouvoirs de cette oligarchie sont tels qu’ils lui permettent de contourner nos démocraties. Certes, nous continuons à élire nos dirigeants politiques, sur la foi de leurs promesses ou de leurs programmes. L’apparence de la démocratie est toujours là, bien visible. Sauf que ceux que nous élisons ne disposent strictement d’aucun pouvoir pour mener à bien les actions qu’ils s’engagent à faire devant nous durant les campagnes électorales. Leur dépendance à l’égard de ce système financier mondialisé où toutes les banques, centrales comme commerciales, sont totalement interconnectées est totale.
Nous avons un très vaste ensemble au sein duquel nous trouvons le FMI, la Banque Mondiale et les banques centrales occidentales, qui s’est arrogé une sorte de droit non seulement de regard, mais aussi d’ingérence, dans la vie des citoyens. Le meilleur exemple en ce moment est probablement ce qui se passe en Grèce. Un gouvernement issu d’un processus démocratique, qui a proposé un programme économique visant à améliorer la vie d’un peuple désespéré qui subit depuis plusieurs années une austérité mortifère, se trouve actuellement dans l’impossibilité de respecter ses engagements. Sa bonne foi ne peut être mise en doute, mais la puissance de de ce système semble tellement importante qu’un gouvernement, quel qu’il soit, est obligé de s’y soumettre.
Peut-être est-il temps de prendre conscience de cet état de fait et de réagir avant que nous nous trouvions dans la même situation. C’est pourquoi la reprise du contrôle de notre monnaie est un préalable indispensable à tout redressement économique et il est certain que cette oligarchie financière tentera de nous en empêcher par tous les moyens, comme elle le ferait pour tout autre pays aspirant à retrouver sa souveraineté monétaire.
Nous sommes tombés dans ce piège dans lequel nous ont poussé des générations de gouvernants qui, par ignorance ou par calcul, ne pouvaient ou ne voulait voir la réalité vers laquelle ils nous précipitaient.
Notes :
1Les assignats étaient des documents imprimés qui étaient censés représenter un titre de propriété d’un bien –ou partie d’un bien-1 immobilier ayant appartenu au clergé et mis en vente par l’Etat après la Révolution. Très rapidement, ils furent utilisés comme billets de banque et une émission démesurée leur ôta toute valeur.
2 Le « Federal Reserve Act » fut adopté par le Congrès Américain, après d’incroyables péripéties, le 23 décembre 1913 à 23H30 ( Cf Les secrets de la Réserve Fédérale, d’Eustace Mullins) Malgré son nom, la réserve fédérale est une banque privée, détenue par d’autres banques privées. C’est d’ailleurs le cas de nombreuses banques centrales.
3 En 1914 pour la France, et tout au long du 20ème siècle pour les autres pays. Le dernier fut les Etats-Unis en 1971. A ce jour, il n’y a plus aucune monnaie adossée à l’or ou à l’argent. Toutes le monnaies sont flottantes, donc très sensibles à la spéculation sur leur cours
4 Célèbre conférence de presse de de Gaulle le 04 février 1965 dont peu de gens ont compris (ou pas voulu comprendre) la portée (cf Olivier Berruyer http://www.les-crises.fr/de-gaulle-smi-1/)
5 Le Glass Steagall était entré en vigueur dans le cadre du « New Deal » (série de mesures prises far F D Roosevelt en 1934 pour sortir de la crise de 1929) Il imposait une séparation étanche entre les activités des banques (dépôt, investissements ou assurances) de façon à préserver l’argent des déposants.
6 La monétisation de la dette consiste à émettre une grande quantité de la monnaie dans laquelle est libellée la dette. La dévaluation de cette monnaie par l’inflation diminue ainsi la dette. Cette méthode à été utilisée par la « République de Weimar » pour payer la note du Traité de Versailles
7 La théorie du ruissellement dit que l’argent injecté par les banques centrales passe d’abord dans les banques commerciales et descend ainsi de proche en proche jusqu’à atteindre « l’économie réelle »
Cette théorie n’est pas conforme à l’observation actuelle.
Jean Goychman
oui Maïtre Collard nous sommes embourbés dans un piège que nos « dirigeants » savaient être inéluctable et le peuple depuis bien longtemps s’est habitué à l’austérité imposée par l’Etat, oui ils peuvent faire des « conneries » de toutes les façons c’est le peuple qui paiera toujours, encore et encore, et les conneries il en font « en veux tu en revoilà » et ils ont toujours raison, jamais ils ne font de mea culpa sur telle ou telle erreur de leur part, enfin !!!