L'OBSEDE ET LA MENTEUSE
Ce n’est pas pour rien qu’Hollywood est aux États-Unis; ce pays est un cinéma ambulant. Il est dommageable que le principal acteur du film à la mode soit un Français, ancien ministre socialiste, ancien président du FMI, ancien et, peut-être, futur candidat à la présidence de la République. Tout est possible dans un monde sans repère. Hier encore DSK était enfermé dans une braguette planétaire, aujourd’hui sa culpabilité se craquelle sous l’effet des mensonges de sa victime supposée! De fait, si l’on croit le procureur, Nafissatou aurait menti sous serment, ce qui la discrédite; en outre, elle réunirait tous les indices de la trafiquante de drogue: argent anonyme sur des comptes, multiples téléphones portables, et contact téléphonique avec un dealer emprisonné! À mon avis, on n’a pas encore tout vu. C’est le même procureur qui affirmait posséder un dossier en béton armé comme les murs d’une prison fédérale qui, aujourd’hui, bat en retraite. Ce n’est pas un magistrat – fonctionnaire, lui, il a des comptes à rendre. Il doit se faire réélire!
À qui se fier? Les journalistes lui ont fait aveuglement confiance, répétant la rengaine du rigoureux. On se fie à l’autorité, c’est du journalisme obéissant. Si on ne peut plus faire crédit à un procureur qui pérore des punitions exemplaires, où va-t-on?
On lui doit de belles séquences cinématographiques: l’homme aux menottes, l’homme au tribunal, l’homme en cellule, l’homme qui casque, l’homme au bracelet électronique, l’homme à la demeure luxueuse et carcérale, l’homme libidineux gardé à prix d’or par des chiens de luxe, l’épouse humiliée, mais droite dans ses cornes, la pauvre peule, «musulmane très pieuse», «très respectable», contre le puissant pénis plein du foutre de son fric! C’était beau comme du Spielberg.
Et nous voilà comme des cons, des cocus de l’information, devant le trou de serrure de la chambre torride, à nous demander:que s’est –il passé réellement? Ce qui est sûr, c’est qu’il y a eu une relation sexuelle. Était –elle consentie, rémunérée, dégénérée, outrepassant les termes du contrat de cul prostitutionneldans des accès violents non prévus? Était –elle un simple traquenard pour prendre au piège de son pénis l’habitué des partouzes, des rencontres tarifées, des maisons chaudes? On peut tout supposer. En l’état de ce qu’on sait, que peut –on dire? Sans aucun doute, comme J F Khan, sur RMC: «Celui qui ne peut pas s’empêcher de tirer une fille ne peut pas être candidat.» Ce qui est extraordinaire, c’est qu’aucun socialiste appareillé par l’appareil ne l’a dit! Un pourcentage important de Français pense même que DSK pourrait revenir en politique! On fait comme si DSK était le Sacco de la zigounette qui attendrait la complainte réparatrice d’une Joan Baèz, la bien nommée, pour entrer dans l’orphéon de l’erreur judiciaire! S’il a été la victime d’une mise en scène dont sa manière de vivre a inspiré le scénario, c’est horrible, mais cela ne le rend pas digne d’être un candidat…candide. Il est ce qu’il estavec toutes ses histoires de fric et de foutre. Ce n’est pas l’avis de Bernard Henry Lévy, qui considère, comme si de rien n’était, que son ami «peut revenir dans le jeu politique». Incroyableétat de la France pour qu’un philosophe écouté, même par Nicolas Sarkozy, gluant de «moraline», ose envisager l’irréprochable retour socialiste en politique d’un homme qui, même innocent des faits, n’en demeurerait pas moins discrédité sur le plan de la seule exigence de tenue que requiert une responsabilité d’État. Cette triste affaire aura au moins eu le mérite de faire tomber les masques des comédiens de la bien-pensance. Le premier à arracher le loup est l’homme masqué de tous les bals populaires, le moraliste en chef. Sans le vouloir, il a du mérite… Il se démasque!
Voici ce que dit BHL: «Eh bien, ce qu’on a vu là, c’est le lynchage compatissant des prétendus amis des minorités. Mme Diallo, parce qu’elle était pauvre et immigrée, était forcément innocente. M Strauss-Kahn, parce qu’il était puissant, était forcément coupable.» Serait –ce la fin de la bien-pensance? Serait-ce le retour à la raison? Entre-t-on dans une ère nouvelle où les clichés ne feront plus la loi comme le couperet d’une guillotine d’opinion? Miracle de Manhattan! Même BHL voit… ce que d’autres voyaient depuis longtemps sans pouvoir le dire, sous peine de lynchage: qu’on est dans des trucages représentatifs, construits essentiellement par des théâtreux comme Jacques Lang, par exemple, sur l’immense scène des simagrées socialistes où tout dépend du camp caritatif où vous paradez. Extraordinaire prise de conscience d’une conscience confite jusqu’alors dans les jeux de rôle humanitaire. Tartuffe dénonce Tartuffe, les postures et les impostures! Il aura fallu une victime de gauche de la langue de bois (sous réserve, restons prudents dans cette histoire de fou, de l’évolution du procès) pour qu’on dénonce les « préjugés positifs!» Si je l’avais dit, et si d’autres l’avaient dit, qu’est-ce qu’ils auraient pris sur la gueule affublée pour l’occasion d’un casque à pointe!
Ah! Si l’on pouvait, de nouveau, dire les choses comme elles sont, les êtres comme ils sont, dans le seul respect de la vérité, du bien public, il y aurait moins de malheurs et moins d’injustice. Sans le vouloir, Nafissatou aura fait un peu de ménage mental… Cela étant, maintenant, plus que l’accusatrice ce sont les faits que la défense doit décrédibiliser. Une prostituée, une menteuse, une trafiquante peuvent – être violée; aucune loi ne décrète que pour se plaindre d’un viol la victime doit être sœur Thereza. Autant dire que les juges n’accepteraient que les plaintes des violées vertueuses. Pourquoi ne pas exiger d’elles un certificat de virginité morale? Certificat dont on dispenserait l’illustre client du Sofitel.
Il faut attendre la vérité des faits. Ils sont têtus en justice comme en politique. Les faits? La hache qui brisera la langue de bois.
Si DSK est innocenté, il sera pleinement innocent des faits, sans restriction, mais il demeurera coupable d’une certaine manière de vivre, incompatible avec la dignité d’une fonction présidentielle, qui a trop été abimée pour l’être encore plus.
Henry IV était un grand baiseur, mais il avait un panache blanc…