Question écrite : la justice doit être aussi libre que possible dans toutes les circonstances !
Type de question : QE
Ministère interrogé : Ministère de la Justice
Question n° : 31-00391
Gilbert Collard rappelle à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice que l’accès à la justice doit être aussi libre que possible dans toutes les circonstances.
C’est là un principe républicain. Or, le décret du 11 mars 2015, applicable au 1er avril suivant, pris apparemment sans la moindre concertation, réforme d’autorité les articles 56 et 58 du Code de procédure civile : on ne peut plus agir directement en justice.
En effet, sauf justification d’un motif légitime tenant à l’urgence ou à la matière considérée, notamment quand elle intéresse l’ordre public, ce qui va être encore un sujet de discussion et de complication, la requête ou la déclaration de saisine de la juridiction (comme par ailleurs une assignation) doit indiquer, à peine de nullité, quelles sont les diligences entreprises pour la résolution amiable du litige. Par ce décret, le gouvernement vient donc de freiner ce libre accès, ce qui peut et va conduire à des situations anormales : par exemple, le salarié licencié devra justifier de ce que, chassé de son entreprise, surtout si c’est à tort, il aura du s’humilier préalablement à la revendication de son bon droit au juge. Le parlementaire qui vous interroge, par ailleurs avocat depuis plus de 40 ans, considère, comme tous les gens de justice, la réforme comme une grave atteinte aux principes républicains de libre accès au juge.
M. Gilbert Collard souhaiterait donc savoir si le décret précité pourrait être modifié, afin de rendre aux justiciables l’égalité des armes devant les juridictions concernées.
Réponse émise le 18 octobre 2016
Le décret no 2015-282 du 11 mars 2015, relatif à la simplification de la procédure civile, à la communication électronique et à la résolution amiable des différends, fait suite aux travaux conduits dans le cadre des consultations sur « la justice du XXIème siècle », qui ont mobilisé tous les interlocuteurs de la justice. Les article 18 et 19 de ce décret prévoient que l’assignation, la requête ou la déclaration qui saisit la juridiction de première instance doit désormais préciser les diligences entreprises par le demandeur en vue de parvenir à une résolution amiable du litige, sauf justification d’un motif légitime tenant à l’urgence ou à la matière considérée, en particulier lorsqu’elle intéresse l’ordre public. A défaut, le juge pourra proposer aux parties une mesure de médiation ou de conciliation. Le décret ne précise pas les diligences qui doivent être mentionnées. Le demandeur doit rappeler concrètement les démarches qui ont été entreprises pour tenter de trouver une solution amiable et en particulier quel mode de résolution amiable a été mis en œuvre par les parties. Il s’agit donc surtout d’inciter les justiciables à recourir à un mode alternatif de règlement des litiges quel qu’il soit, médiation, conciliation, procédure participative ou négociation directe, avant de saisir le juge. Les mentions prévues par les articles 18 et 19 du décret ne sont toutefois pas prévues à peine de nullité. L’objectif recherché par ces dispositions est avant tout de développer une « culture » des modes alternatifs de règlement des litiges, qui ne limite nullement l’accès au juge. En tout état de cause, les dispositions des articles 18 et 19 ne s’appliquent pas dans les cas où la tentative de résolution amiable avant la saisine du juge ne peut avoir lieu parce que la matière toucherait à des droits dont les parties n’ont pas la libre disposition (état civil, filiation, nationalité, etc…) ou lorsque la procédure est introduite par le ministère public, en matière civile. Dans ces matières qui ne sont pas limitativement énumérées, les parties sont fondées à saisir directement le juge. En outre, l’urgence, appréciée par le juge, peut justifier sa saisine sans tentative préalable de règlement amiable du litige. Les dispositions des articles 18 et 19 s’appliquent effectivement en matière prud’homale en sus de la procédure obligatoire de conciliation devant le bureau de conciliation. Leur mise en oeuvre doit permettre de tenter d’apaiser les conflits et de pacifier les relations entre les parties, voire de parvenir à un accord. Cette voie est à privilégier lorsque le montant de la demande est faible, lorsqu’il s’agit de la remise de documents en fin de contrat ou lorsque les parties seront amenées à poursuivre leurs relations contractuelles. Plus largement, le projet de loi de modernisation de la justice du XXIème siècle, qui est actuellement examiné au Parlement, va renforcer l’effet du décret du 11 mars 2015 puisqu’il prévoit d’instaurer un préalable obligatoire de conciliation par un conciliateur de justice pour les litiges dont le tribunal d’instance est saisi par déclaration au greffe, soit les litiges de moins de 4 000 euros. Ce dispositif permettra au juge d’examiner les affaires du quotidien les plus contentieuses tout en incitant les parties à tenter de trouver elles-mêmes une solution amiable, pérenne et globale à leur litige. Trois exceptions sont prévues : lorsqu’est sollicitée l’homologation d’un accord, lorsque sont justifiées des diligences en vue de parvenir à un règlement amiable du litige ou lorsqu’il y a urgence. En tout état de cause, ces mesures, tant celles issues des articles 18 et 19 du décret no 2015-282 du 11 mars 2015, que celles contenues dans le projet de loi de modernisation de la justice du XXIème siècle, ont pour objectif d’inciter les parties à trouver une solution amiable à leur litige sans empêcher l’accès au juge.