Euro : l’entêtement suicidaire.
Il arrive parfois dans le cours de la vie que des projets qui semblaient intéressants à priori ne donnent pas, une fois réalisés, les bénéfices escomptés. En général, ils sont abandonnés à temps par leurs promoteurs, qui peuvent y laisser néanmoins quelques plumes.
Il arrive aussi, malheureusement, que des gens nient la réalité et poussent l’obstination jusqu’à engager leur situation même, en dépit de l’évidence de l’échec de la démarche.
Certains hommes (et femmes) politiques, probablement guidés par leur passion, éprouvent visiblement des difficultés à astreindre leur volonté à un examen rationnel des faits.
Quels sont ces faits ?
Mise en circulation en 2002, conséquence de l’adoption du traité de Maastricht en 1993, la monnaie unique européenne fait partie de ces remèdes qui, loin de guérir le patient, risque d’aggraver le mal jusqu’à entraîner sa disparition.
Sujette à caution bien avant sa naissance, nombre d’économistes avaient mis en garde les dirigeants politiques concernés contre les risques que comportait cette monnaie.
Le plus important était lié à l’absence de ce qu’ils appellent « une zone monétaire optimale »
La théorie de cette zone remonte au début des années 60, et fut énoncée par l’économiste Robert Mundell.
Cette théorie est en fait un instrument de mesure destiné à évaluer la capacité qu’ont certains pays de se regrouper pour adopter la même monnaie, ou bien, dans le cas de très grands pays, le bénéfice économique qu’ils retireraient s’ils se scindaient en deux zones monétaires distinctes.
Dans le cas d’une union monétaire, l’avantage majeur réside dans la suppression des coûts dits « de transaction » mais la contrepartie est l’abandon par ces pays de leur souveraineté monétaire. Or, le contrôle de la monnaie (et du taux directeur du crédit) permet d’amortir les écarts de compétitivité qui peuvent naître de différences importantes liées à la structure des coûts de production d’un pays à l’autre. Impôts des sociétés, charges d’entreprises, protection sociale, coûts des financements, sont autant de sources de déséquilibre entre les pays.
La théorie de la « zone monétaire optimale » va donc essayer d’optimiser le compromis entre les coûts de transaction liés au changement de devise et le surcoût potentiel en termes de production d’un taux de change fixe (cas d’une monnaie unique). C’est en fait une sorte de modèle mathématique qui peut donner une indication sur l’évolution dans le temps des économies des pays de cette zone qui sont censées converger les unes vers les autres.
Pour étayer sa théorie, Mundell proposait deux exemples. Le premier concernait un pays qui avait le contrôle de sa monnaie et qui subissait une perte de compétitivité en regard d’un autre pays qui se traduit par une modification de la demande qui se tourne vers ce dernier. La conséquence sera l’augmentation du chômage dans le premier et une inflation dans le second.
Pouvant le faire, le premier pays fera une dévaluation et l’équilibre sera rétabli.
Le second exemple concerne deux pays ayant la même monnaie. Comme la dévaluation n’est pas possible, le regain de compétitivité ne peut se faire qu’en modifiant des facteurs internes à la zone monétaire. C’est donc sur les coûts de production (salaires, charges et impôts) qu’il est possible d’agir. Cela implique des changements politiques profonds et un consensus avec les autres pays de la zone pour qu’ils ne fassent pas de surenchère, faute de quoi la zone entière entrerait dans une spirale d’abaissement.
Afin d’éviter cette issue fatale, plusieurs critères ont donc été définis pour ces zones optimales, parmi lesquels on trouve :
– Une diversification des productions
– Une langue commune
– Un taux d’inflation identique pour toute la zone
– Des tailles de pays comparables situés à des distances équivalentes
Le plus important étant sans conteste le premier, qui suppose en fait une spécialisation des domaines de production qui réduit ainsi la concurrence.*
Il est facile de constater que la zone euro répond très mal à ces critères. Ce que, par contre, ni Robert Mundell, ni d’autres économistes n’avaient prévu, c’est que des décideurs politiques s’entêteraient suffisamment pour maintenir avec une grande opiniâtreté une telle zone lorsque des divergences profondes ont commencé à se manifester comme ce fut le cas à partir de 2008. Certes, des pays comme la Grèce ont « trafiqué » leurs chiffres pour se mettre en conformité avec les critères dits « de convergence ». Bien sûr, il y a eu la crise des « subprimes » qui a causé une méfiance instinctive et durable envers le système financier international. Mais ces faits n’ont été que des révélateurs et non la cause des difficultés. Il est probable que ce paravent facile ait réussi à repousser un examen critique qui aurait pourtant dû être mené sans esprit partisan au bout de 5 ou 6 ans de fonctionnement de la zone.
Car au début, les choses ont plutôt bien marché. Trop bien, même devrions nous dire, car les pays du sud ont pu emprunter d’une manière inconsidérée en raison des taux très bas. Ce manque de prudence a généré une dette gigantesque dont les effets ravageurs se sont fait sentir dès la remontée des taux.
Déjà en 1993, Margaret Thatcher avait souligné le danger de l’euro pour les économies européennes les plus fragiles.
En 1996, Milton Friedman, considéré comme un des piliers de l’Ecole de Chicago (néo-libéralisme) s’était montré très critique envers la mise en place de l’euro qu’il désignait comme « un jeu de hasard » qui avait peu de chances de survie.
La remontée des taux de 2009, et surtout les écarts constatés d’un pays à l’autre aurait dû également conduire à une réflexion impartiale et constater que l’euro ne pouvait plus être considéré comme une monnaie unique, mais comme une monnaie commune.
Pour des raisons d’image et de prestige liées à leur infaillibilité autoproclamée, les dirigeants économiques ont « mis la poussière sous le tapis » et ont fait semblant de siffloter en regardant ailleurs. Cette attitude irresponsable n’a fait qu’aggraver les choses. Malgré des rapports accablants, qui mettaient en évidence le rôle néfaste de l’euro pour les économies chancelantes de la zone euro, et en particulier celles dont les déficits publics s’étaient envolés et qui n’avaient pas pu maintenir les « sacro-saints » critères de convergence, l’ « omerta » s’est imposée. Et elle continue à s’imposer. Pourtant les faits sont là. Il n’est pas de jour qui ne voit un économiste, un patron, voire un ministre du gouvernement, se plaindre de la valeur trop élevée de l’euro. La tentative de faire accepter les « euro bonds » qui auraient pu au moins apporter une mise en commun de la dette, s’et brisée lamentablement sur la digue de l’intransigeance allemande, qui n’entend pas que le peuple allemand paye les frasques des « cigales » du sud de l’Europe.
Il faut aujourd’hui tirer toutes les leçons de cet état de fait et prendre des décisions, certes courageuses, mais impératives. L’entêtement de certains responsables politiques, quel que soit leur bord, devient suicidaire. On peut toujours se dissimuler derrière les sondages et proclamer qu’une majorité de Français veut rester dans la zone euro, cela n’améliorera pas la situation. L’intérêt national commande aujourd’hui de faire un constat sans appel :
A partir du moment où les taux d’intérêts divergent d’un pays à l’autre, que l’absence de solidarité entre les états de la zone euro est manifeste, que les pouvoirs politiques n’ont pas les moyens d’imposer les mesures internes qui permettraient un retour de la compétitivité, non seulement hors de la zone euro, mais à l’intérieur de cette zone, la monnaie unique n’est plus viable.
Il ne sert à rien de prédire le cataclysme que provoquerait la sortie de l’euro alors que le maintien de notre pays dans cette zone aura des conséquences similaires. Combien de temps encore allons-nous rester dans cette situation qui génère une inquiétude permanente, peu propice à un redémarrage de notre économie ?
Quand nos dirigeants vont-ils cesser leurs « effets d’annonce » auxquels plus personne ne croit et qui ne font que renforcer la confusion.
L’Europe fédérale ne se fera pas, du moins dans un avenir prévisible à l’échelle humaine.
L’euro n’a donc plus de raison d’être. La seule question qui vaille dorénavant est :
comment en sortir ?
• Il faut noter que le programme Airbus, qui était un programme de coopération franco-allemand (qui faisait suite au programme Transall) a évité que naissent des programmes concurrents développés dans leur pays respectif. Le programme Airbus est né à la fin des années 60, presque 40 ans avant l’euro…
Gilbert Collard et Jean Goychman
Tout à fait clair comme explication et analyse de la situation économique de la France depuis l’adoption de la monnaie unique de l’euro.
D’une manière ironique on peut dire que l’idéologie de l’Europe s’est construite autour de bonnes réponses sans se poser une seule question !
Mr Collard, vous avez finallement un esprit assez libéral je pense et vous comprenez qu´il est inutile d’argumenter avec une personne résolument à gauche ou à droite. Même si vous lui présentez des faits probants lui démontrant qu’elle a tort, cette personne ne changera pas son opinion ».
http://www.contrepoints.org/2014/02/22/157123-nait-on-ou-devient-on-liberal-socialiste-ou-conservateur
oui, comment en sortir avant d’en mourir !
Notre agriculture s’étiole, notre pêche est morte, nos services publics disparaissent, notre énergie flambe et nos entreprises rament avant de se délocaliser en zone dollar (comme Airbus) sous les coups de boutoir du futur Traité Transatlantique, prisonnières qu’elles sont d’un euro grandement surcotté pour faire plaisir à l’Allemagne!.
Nous sucomberons à la malbouffe déversée des USA et du Canada, nous serons fliqués par nos ordinateurs, tablettes etc …,nous nous ruinerons en procès contre les exigences insensées des multinationales dont plus aucun Etat ne nous protègera !!!
Nous aurons la guerre et le dèshonneur pour n’avoir pas eu le courage de nous réveiller à temps !!!
J’ai eu tort de mettre tout cela au futur!
« il est plus tard que tu ne penses! »