LE PETARD VERT
La petite phrase sur la suppression du 14 juillet, articulée de son hachoir par Eva Joly, a enfumé la classe politique d’une agitation de pétard en vente libre. Il est vrai que la situation de la France exige une réflexion estivale sur ce grave sujet. L’euro-faillite qui menace est un sujet banal à côté des trouvailles antimilitaristes d’Eva Joly… On peut avoir été un juge anti –corruption, sans être, pour autant, un juge anti-connerie. Avec les verts, on va se marrer, et le PS aussi, qui va devoir gérer la campagne avec ses alliés de chez Allien. Ils n’auront pas de mal à faire pire qu’elle! Martine Aubry ne demande-t-elle pas la démission de François Fillon, sans être gênée que l’on compare le défilé républicain du 14 juillet à ce qui se passe en Corée du nord! Essayons de comprendre l’émoi national légitime provoqué par la candidate verte, qui hait le kaki, pourtant couleur de la terre. Cet émoi verbal est riche d’enseignements. Elle voudrait, l’ancienne chienne de garde de la bourgeoisie ( Marx désignait ainsi juges et policiers), supprimer les uniformes, les bottes, les fanfares, les remplacer lors du défilé du 14 juillet par une kermesse citoyenne, avec les flonflons de Duflot, des majorettes, des marmots des écoles chantant du Jean Ferrat… «Que la campagne est belle», des étudiants, forcément écolos sautillant au son des sambas sur les Champs-Elysées, des séniors, forcément verts, blanchis sous la tyrannie des produits bio, se révoltant contre les rhumatismes. Évidemment, tout ce vieux monde du mardi gras républicain s’ensoleillerait sur la plage qui est sous les pavés… En avant, marche, pour l’opérette écolo. Miracle, pour une fois, le divertissement n’est pas sorti des chaussons roses du conducteur des chars charmants, fleuris de bégonias, l’immarcescible Jack Lang. Le spectacle impossible, vu qu’Eva n’aura jamais le pouvoir, s’annonce aux accents wagnériens de la walkyrie verte pour un épisode de la maison dans la prairie! Enfin, tout cela est drôle sans l’être, tant l’initiative comique dans la forme est scandaleuse dans le fond. Je ne sais si la bi nationalité, la descente en drakkar, le scandinavisme sont en cause? A coup sûr, un trouble grave de la perception haptique de notre histoire est en cause chez l’amazone verte. Une hypoesthésie historique, en somme, qui a sa racine quelque part. La «Joly kermesse» exprime une déconnexion détonante d’avec les réalités symboliques de notre histoire républicaine. La Norvège offre ce type de fête nationale le 17 mai, parade d’enfants, jeux et repas, le tout en Bunad, le costume national du pays. Pourquoi pas, demain, pendant qu’on y est, la Garde Républicaine dans ce costume folklorique? La Norvège, sauf le respect que je lui dois, ce n’est pas la France, ce n’est pas l’Histoire de France.
Le lien entre le peuple est son armée est un tissage qui s’est noué depuis plusieurs siècles sous la mitraille de Valmy, dans la boue des tranchées, dans l’entrée des chars de la première division blindée, dans l’effondrement du nazisme, dans la tristesse et la joie des morts perdus et des vivants retrouvés. Cela ne se discute pas! Celui ou celle qui ne comprend pas que, le quatorze juillet, les soldats ne défilent pas seuls, n’a rien compris à la fraternité des frères d’âme qui transcende le temps, moment fugitif, mais définitif de la solidarité nationale avec les blessés, les morts, pompiers, policiers, gendarmes, médecins militaires, soldats de toutes les armes.. N’ont-ils pas droit à un jour d’honneur? Joly oublie que, ce 14 Juillet, il y avait un peu de terre afghane sous les pas des militaires. La vie n’est pas qu’un stand de foire à neuneu.
L’acte de vandalisme a provoqué des réactions dont le décryptage est consternant d’un côté comme de l’autre. Fillon, qui se veut désormais plus Français que la France, après avoir laissé déplumer l’identité de son panache, entonne le chant du Mallet et Isaac: «Cette dame n’a pas une culture très ancienne des traditions françaises, des valeurs françaises, de l’histoire française.» S’il avait mieux défendu, avec les autres affidés de la langue de bois, aujourd’hui résistants électoraux de la dernière heure, le patrimoine républicain, notamment dans l’éducation nationale, on n’en serait pas à entendre ces aberrations dignes d’un maïs transgénique historique. Guy Tessier, ancien para, qui avale son béret, s’étonne d’une manière démodée:«qu’il puisse encore exister des anti-France.» Il aura suffi de ces phrases pour que la machine rhétorique à remonter le temps s’active avec la même implacable imbécilité répétitive, confondante de vieillerie intellectuelle. Cohn-Bendit d’abord, momifié dans ses mots, reproche à François Fillon, non pas d’être François Fillon, mais «d’emboiter le pas à Marine le Pen» et de «tenir un discours analogue à celui du FN.» «C’est triste pour lui», conclu l’ami du système, qui de piège à cons en pièges à cons, s’est toujours fait réélire en souriant. François Fillon n’est pas coupable d’être ce que dit François Fillon, il est coupable, tristement, de dire ce que Marine le Pen dit… Que ferait-il, le révolutionnaire dans sa retraite d’un mois de mai qu’il n’en finit pas d’exploiter, s’il n’avait pas Marine le Pen comme sempiternelle référence répulsive? A force de racler les fonds de tiroir de l’antifascisme factice, ils vont tous se retrouver sans un sou d’indignation. Et les fonds de tiroir, on les racle. On ressort l’argument de la seconde guerre mondiale, de Vichy, de Pétain, de Norvik, de la collaboration, de la résistance, comme si nos représentants étaient des faucilles, des phonographes enroués, refaisant un combat où ils n’étaient pas, se postant toujours du bon côté d’une histoire lointaine, ayant le beau rôle, forcément beau puisqu’ils font la distribution des rôles, pour traiter l’autre de collabo, de raciste, de xénophobe. Le champion de formule 1 de la formule ringarde, c’est Yannick Jadot, le porte-parole d’Eva Joly. Ecoutez! «Si je voulais être méchant, je dirai qu’au début des années 40, certains membres de la droite populaire auraient été plus proches de Vichy que de la résistance.» Quel âge a-t-il cette réincarnation verbale usurpée de Jean Moulin? Qui sait de quel côté il aurait été? Qui peut le savoir, de lui comme des autres! Alors passons à notre époque, sans rien pardonner du passé, mais laissons le passé distribuer les rôles, pas le présent, qui lui à d’autres crapules à fouetter. Bové des champs, lui aussi, y va de son couplet. Il dénonce une «rhétorique ayant des relents de pétainiste.» Le présent ne lui suffit pas pour argumenter. Quelle étrange fascination exercent sur tous ces gens le fascisme, le pétainisme, la collaboration, ces adversaires nocturnes, au point qu’ils deviennent leur référence chronique, qu’il ne peuvent discuter, raisonner, anathématiser sans lui. Le monde moderne à ses monstres d’imbécilité, de haine, de mensonge, de lâcheté, de violence, de radicalisme, d’intégrisme. Il faut s’occuper d’eux! Qu’on exhume Pétain, Vichy, l’anti- France, la collaboration, la résistance, la xénophobie, pour répondre aux condamnations qui pleuvent sur Joly, c’est d’un conformisme débilequi fatigue l’histoire. La référence à l’horreur de ces époques doit concerner des situations d’ l’horreur. Il faut arrêter d’en faire un fonds de commerce de communication stéréotypée.
La seule chose à dire à la représentante des écolos, qui a bien le droit de dire ce qu’elle veut, à condition qu’on puisse lui répondre sans se retrouver au banc d’infamie fasciste, c’est qu’on ne foule pas le sol des Champs Elysées sur lesquels irradie à des millions d’exemplaire, par la tombe du soldat inconnu, le souffle du sacrifice républicain, comme on le ferait du sol de la promenade des Anglais; on ne caricature pas, même si l’on porte des lunettes de clown dans le cirque politique, un acte fondateur de l’union entre l’armée et la Nation; on ne rigole pas avec les symboles; la France aime la France, ses traditions, son Histoire, même si par moments, on a l’impression du contraire, par la faute des pleutres politiques.