LE TRAIN ,LES FRUITS ET LES VOLEURS

Le train sifflera plus de trois fois au secours! Mais, dans notre histoire française, on ne verra pas arriver le shérif, même si un commando attaque letrain en plein jour d’été, sous le soleil des vacances, comme une diligence, dans le Far West des quartiers- nord, à Marseille. C’est, selon le Parisien, «une tradition localedu banditisme». La tradition, quel mot incongru pour qualifier une pratique criminelle qui aurait pu provoquer le déraillement et causer des morts. On ne peut plus rien faire, on doit subir, c’est le folklore des furieux qui s’autorisent toutes les audaces, qui narguent un État impuissant, démembré. C’est la tradition! Beaucoup de conducteurs travaillent «avec la peur au ventre» transpire le délégué SUD-SNCF. C’est normal d’avoir peur quand on fait son boulot, c’est démocratique, c’est la France des froussards fatidiques. Aucun responsable politique ne veut dénoncer la réalité explosive de ces quartiers, ni prendre le problème à bras le corps. Pourquoi? Ce gâchis est leur œuvre, résultat d années d’abandon éducatif, d’absence d’apprentissage,d’autojustification, de laisser-aller, de mépris confortable de la règle de droit, de discours convenus et lénifiants. C’est leur œuvre d’éboueurs, qui entassent des humains dans l’inhumanité d’une sous-culture, des rapports de force, de l’absence d’État, de police, sans se soucier des lendemains. Ils les cachent, ces chenils de chiens enragés d’injustice, d’indifférence aux lois, de ressentiments violents, de communautarisme, sous le déguisement palabreur des bonnes pensées et des subventions inutiles. On achète la paix sociale en même temps que l’on croit acheter des voix de gauche ou de droite -gauche, comme si le respect des lois s’achetait. On laisse souffrir des populations apeurées qui subissent la loi des cités, de ses caïds, sans réagir. Abandon, abandon! On se dit pourvu que cela dure, comme derrière la ligne Maginot pendant la drôle de guerre on se le disait… L’heure sonne pourtant et toujours,qui réveillera les endormeurs baignés de camomille criminelle. Cet état d’esprit des bras ballants se manifeste encore dans les propos de la sénatrice PS des Bouches-du-Rhône, Samia Ghali: «On tente le Diable, c’est irresponsable de transporter ainsi des marchandises sans surveillance.» On tente le Diable? C’est la faute des tentateurs,pas des truands? Comme si la tentation autorisait la perpétration! Voilà ce que les criminologues appellent le discours de justification. Ces jeunes auraient, en quelque sorte, un crédit d’infractions, pour compenser l’injustice de la situation. La sénatrice préconise aussi la construction d’un mur, l’installation de caméras, qui empêchent, on le sait, les agresseurs d’être cagoulés, évidemment…
Un mur? Jusqu’où va-t-on aller? On s’emmure comme dans les châteaux forts du Moyen Âge pour se protéger des pillards, des compagnies de croquants. Quel progrès! Toujours la fuite aux abris. Elle ajoute que l’agression ne la surprend pas, «quand on fait passer des trains de marchandises sans protection au milieu de plusieurs cités, cela peut arriver». Il faut donc accepter l’état d’esprit des cités et s’adapter peureusement ou éviter de les traverser. Se rend-elle compte la sénatrice qu’elle nous avoue que ces cités sont des repaires à éviter à tout prix,sinon armé! Dans quel état est la cartographie de la France pour que des territoires de la Nation soient à ce point dangereux. Des années de politique de la ville pour en arriver là. On comprend mieux le rapport de la Cour des comptes sur la gestion des forces de sécurité par Nicolas Sarkozy, matamore mou. Ce n’est pas à l’État à s’adapter à la loi des cités, c’est aux cités à s’adapter à la Loi de l’État. Toute inversion est un gage de continuité dans l’audace criminelle. Surtout ne pas attaquer le mal à sa racine, on pourrait déranger le consensus des subissants. En ces cités qu’on devrait contourner, survivent des gens qui n’en peuvent plus de subir la loi des plus forts, des plus méchants, des plus violents. On empêche de fumer dans les lieux publics, mais on est incapable de juguler le trafic de drogue. Facile! C’est comique. Mais qu’on se rassure, il est des voleurs qu’on peut punir sans pitié, comme Kader, qui a volé six melons et deux salades dans une poubelle pour agrémenter l’ordinaire de ses six enfants. Il est interdit de récupérer les produits périmés, encore comestibles, et jetés. C’est la loi inflexible de Monoprix et d’autres, qui participent au Téléthon. On a du cœur quand il bât sur le petit écran des générosités publicitaires. C’est toute l’hypocrisie du système de la bien-pensance. On s’affiche humaniste et on se fiche de l’humain, trop humain, qui prend dans une poubelle quelques fruits perdus pour le petit bonheur pauvre des enfants pauvres. Les faux culs m’écœurent! Heureusement pour cet homme de 59 ans, employé depuis 8 ans, son licenciement n’a pas eu lieu. L’image de Monoprix, une fois la chose sue, en aurait pâti. On le touche du doigt, il existe deux mondes irréconciliables: celui des pauvres et celui des riches, qui dégueulent dans les poubelles avec interdiction de toucher les surplus de la production. Et ils ont bonne conscience. Ils doivent avoir un discours à se faire inviter en grande pompe cireuse chez Drucker. Un discours moral officiel qui condamne tout, et une mesquinerie officieuse. Voilà la faille morale qui nous sera fatale. Il est temps de dire les choses comme elles sont, d’aimer Kader, de le défendre, et d’aller rétablir l’ordre dans les cités, à l’intérieur, pas à l’extérieur, c’est une priorité nationale; que cela plaise ou déplaise, tant pis, tant mieux! Sinon, un jour la France sera un luna-park avec pour seule attraction, les trains de l’horreur! On se targue de faire régner l’ordre en Lybie, en Côte d’Ivoire, bientôt en Syrie, mais on est incapable de faire circuler un train de marchandises sans qu’il soit attaqué par des bandes sur le territoire national. Sécurité bien ordonnée commence par soi-même. Qu’on ait la paix ici, et on pourra prétendre l’exporter ailleurs; mais on est loin d’avoir la tranquillité tourangelle dans la France des tours grises. On gagne du temps à le perdre. On le perd depuis des années dans un je- m’en- foutisme verbal d’autruche. Personne n’ose hurler que la France déraille quand des bandes de jeunes «prêts à tout» ( selon la sénatrice), surgissant d’une cité, attaquent en toute tranquillité, en plein jour, en s’amusant, un train de marchandises, au risque de provoquer une catastrophe.
On savait, selon la chanson, les chefs de gare cocus, il faudra s’habituer, si les choses ne changent pas, à l’idée qu’un pays, lui aussi, peut l’être. Mais, ne l’est –il pas déjà? L’événement en même temps qu’il se révèle hypnotise. On n’a plus de chefs d’État, mais on ne manque pas de chefs de gare…électorale! Bonnes vacances si vous prenez le train et, à la semaine prochaine… si la diligence arrive à bon port!