La diplomatie de l’argot

La diplomatie de l’argot
Voici les faits: au cours d’un déjeuner avec plusieurs journalistes tunisiens, l’ambassadeur de France, interrogé sur l’attitude française pendant la révolution, s’est énervé, dans un style plus quai des Orfèvres que quai d’Orsay: «N’essayez pas de me faire tomber sur des trucs débiles», «c’est lamentable, c’est nul!» Le ton hautain était celui du directeur de l’ORTF congédiant un Zitrone transi! Au temps béni du gros Léon, You tube n’existait pas… Filmée, la scène se retrouve sur internet et révèle, outre, l’outrecuidance du diplomate, simplement sa grossièreté, plus grave, beaucoup plus grave, sa disette de mots. Revoyez Mitterrand, le grand méchant loup menteur, aux dents limées, s’offusquant des questions sur d’éventuelles écoutes ordonnées par l’Élysée; il restait bien élevé, ce qui ne l’empêchait pas d’envoyer balader son monde à coup de subjonctif dans le cul! L’ambassadeur, s’il parle bien l’arabe, baragouine surtout le sarkosisme, mais pas le français châtié qui châtie parfois, mais toujours poliment, à l’ancienne, quoi! Aujourd’hui, c’est cela la voix de la France, des borborygmes d’adolescents agressifs. On est loin de Claudel et de Perse. Et l’on ose sanctionner un professeur qui, en Égypte, brandissaitune pancarte: « Casse –toi, pauvre con!»
L’ambassadeur de France en Tunisie, Boris Boillon, est un vrai diplomate, comme on en voit, les bons soirs, aux guignols de l’info; un chef d’œuvre de tact, de bonne éducation, un vrai représentant de notre nouvelle parole politique, initiée au sommet sonore de l’État par l’anacoluthe chronique du discours agité, saccadé, quelquefois vulgaire, du chef de l’État.
On retrouve, dans le bagage culturel de notre ambassadeur mimétique, le vocabulaire de son maître: trucs, débiles, lamentables, nuls… Qui dit mieux? Celui qui dit: «Casse – toi, pauvre con!» Du coup, l’ambassadeur qui imite le ton et les mots du président, a été obligé de présenter de plates excuses aux journalistestunisiens. Et les Français qui passent par le truchement de leur ambassadeur pour des ploucs, ils n’auraient pas droit, un peu, à des excuses? En tout cas, au Moyen-Orient, notre diplomatie est exemplaire dans l’art de déplaire.